ECOLES DE LORIENT Ecoles
de Merville
Yvette
Harrouët SAHPL
En
1870, le quartier de Merville situé au sud-ouest de la ville de Lorient
ne possède pas d'école laïque. Les enfants qui y vivent fréquentent
les écoles de l'intra-muros et de Kerentrec'h, celles-ci surchargées
ne peuvent recevoir plus d'élèves. De nombreux enfants non scolarisés
vagabondent dans les rues. La création d’une école primaire
s’impose comme une évidence. La
municipalité de Lorient s'efforcera de réaliser ce projet dans la décennie
qui va de 1870 à 1880. Dans
la DM du 14 août 1871, on propose de créer une école communale à
Merville. Les
élus réfléchissent au budget nécessaire pour réaliser ce projet. Le
Maire M. Beauvais dit: "les fonds manquent".
Un conseiller M. Faure poursuit: "Il
faudrait faire des économies sur les dépenses superficielles, ou créer
de nouvelles ressources". Le Maire appuie la remarque de M.
Faure, il espère qu'au budget de 1872, on pourra trouver un financement
pour cette création. Les
Conseillers municipaux sont très attentifs à l'enseignement. M.
Ratier affirme cette volonté en disant
"il ne serait pas
admissible que le développement de l'instruction primaire soit arrêté
dans une ville comme Lorient par une question d'argent". Le
maire Edouard Beauvais partage l'avis de M. Ratier, il souligne qu'on
s'occupe très sérieusement d'une question aussi vitale que celle de
l'instruction publique. Néanmoins il faut organiser le financement du
projet avec rigueur : "Les
voies et les moyens doivent être discutés avec soin, on ne peut
brusquement rompre l'équilibre du budget". Dans
la DM du 9 décembre 1871, le CM fait une analyse de l'enseignement à
Lorient. "Sur une population
de 37.000h. le nombre des enfants scolarisés est compris entre le
1/11 et 1/12 de la population".
Le CM arrive à cette conclusion : "Lorient
se trouve au-dessous de la moyenne établie en France, elle ne donne
l'instruction qu'au ¾ des enfants pouvant la recevoir." "Lorient
est restée en dessous de la moyenne des résultats obtenus tant pour le
nombre de ses écoles que pour celui des élèves qui le fréquentent". La
conclusion du CM est alarmiste "en
un mot, la ville n'a accompli qu'une faible partie de sa tâche; c'est
à dire qu'elle sera impuissante si l'on n'y prend pas garde à réaliser
l'instruction obligatoire". Ces
discussions importantes sur le plan local s'inscrivent dans un contexte
national où les lois de Jules Ferry germent et donnent lieu à des débats
animés à l'Assemblée nationale. Le
26 novembre 1872, le CM parle d'un terrain qui pourrait être acquis en
entier pour recevoir une école
de garçons. Il s'agit d'un espace appartenant à l'hospice. En
attendant, la construction de l'école, une solution provisoire est
adoptée pour scolariser les enfants. Dans
les dépenses du budget du 23 novembre 1871 au 26 mai1873, la dépense
suivante est inscrite: "Location
d'une maison d'école pour les
garçons et traitement d'un maître pour les derniers mois de l'année". C'est
une réponse apportée aux besoins résultant d'une augmentation
constante de la population enfantine à scolariser. Dans
le DM du 26 mai 1873, le CM discute sur le choix d'un terrain
constructible pour créer "des établissements d'instruction primaire qui manquent encore à
Merville". M.
Villers évoque avec ambition la création "d'une
grande école, d'une école modèle où tout se trouverait réuni pour
assurer le développement intellectuel et corporel des enfants de
Lorient". Le
financement de ce projet ne semble pas poser de problèmes importants.
Les élus, après examen des finances prévoient un acompte de 20.000 F
pour la construction de l'école de Merville. On
peut compter sur une somme de 148.232,70 F pour réaliser ce projet,
elle sera ainsi composée :
Le
1er Juillet 1873, on demande au CM de voter la construction
d'un groupe scolaire sur le terrain de l'hospice formant l'angle des
avenues de Merville et de Carnel. -
une école laïque
de garçons -
une crèche -
un gymnase. Le
coût du projet est évalué :
Acquisition du terrain …………………20.000 F
Construction de l'école ………………130.000 F On
prévoit une dépense globale de 30.000F pour 1873, une délibération a
lieu entre la mairie et la commission administrative de l'hospice. La
municipalité remarque que l'hospice semble avoir des scrupules sur
l'opportunité de la vente du terrain. Le
10 octobre 1873, la commission administrative propose de recourir à un
jury d'expropriation qui dégagera la responsabilité de l'hospice. Le
16 juin 1874, le CM procède à la nomination d'une commission de
l'instruction publique : MM.
Ratier, Boy, Renaud, le Diberder et Villers. Les
élus sont chargés de négocier l'achat du terrain et la construction
de l'école de Merville. Lors
de la DM du 16 juin 1874, le maire lit une communication de la
commission administrative de l'hospice relative à la cession à la
ville de "la prairie sise à
l'angle des allées de Carnel et de Merville pour l'établissement d'un
groupe scolaire". La
superficie de ce terrain est de 13.350 m². La prairie est partagée en
trois tiers: Premier
tiers situé rue de Carnel Deuxième
tiers situé avenue de Merville Troisième
tiers comprenant la partie située derrière les deux autres. 1er
tiers …………………………………..
10 F le mètre
superficiel 2e
tiers .................................................
10 F
le mètre superficiel 3e
tiers ...................................................
4 F
le mètre Ce
problème est renvoyé à la commission du budget lors de la délibération
du 4 août 1874, le maire lit une lettre du sous-préfet concernant la
construction du groupe scolaire de Merville.
Terrain
de l'hôpital à l'angle des Avenues de Merville et de Karnel
Cadastre
de Lorient 1852-1863 - Plan
d'alignements 21e feuille L'acquisition
du terrain pose problème, le prix du m² de la prairie est élevé. Le
sous-préfet propose de relire la délibération du 8 octobre 1873, qui
relate les discussions de la commission administrative de l'hospice et
de la mairie. La
commission municipale de l'Instruction publique s'insurge contre une
nouvelle discussion de cette délibération (8 octobre). La
commission demande que l'exécution des précédentes délibérations du
conseil municipal soit effectuée par l'administration municipale. Dans
la DM du 8 août 1874, les conseillers constatent que les articles 124
(acquisition du terrain) et 125 (construction du groupe scolaire 1)
relatifs à l'école de Merville n'ont pas été exécutés; ils sont
donc annulés faute d'emploi, puis ajournés au budget principal de
1875. Cependant
le projet a été approuvé par l'autorité
départementale, c'est à dire le Préfet du Morbihan. Il
restait à suivre la procédure légale quant à la réalisation du
projet de construction de l'école de Merville. Le
dossier est ainsi précisé : 1°)
– s'assurer le terrain
situé à l'angle des rues de Carnel et de Merville. 2°)
– Substituer à l'avant projet qui avait été soumis un plan définitif
avec devis pour être présenté à l'approbation du Conseil des bâtiments
civils. 3°)
– Obtenir du Conseil Départemental de l'Instruction Publique un avis
favorable à la nouvelle fondation lors de l'examen du budget. Le
rapporteur de la commission de l'école de Merville dit : "Le
groupe scolaire n'est plus à l'étude. Les dépenses ont été votées
mais non effectuées. L'exécution du projet exige le concours des
autorités au contrôle desquelles est placée la commune. Ce concours
n'a pas été obtenu avant la clôture de l'exercice. L'enquête commencée
pour l'expropriation de la prairie de l'hospice n'a pas abouti. L'expert
choisi par l'hospice avait estimé la prairie au prix moyen de
5 francs le mètre carré". Le projet n'a pas été réalisé. Les
élus le déplorent... Le
19 février 1875, le groupe scolaire de Merville est à nouveau à
l'ordre du jour. Un conseiller, M. Dubouëtiez propose : "Occupons-nous
du prix de revient de cet établissement ! Nous ne pouvons que répéter
qu'il est très difficile de trouver un terrain à moindre frais situé
à proximité de Carnel, Merville et Nouvelle Ville". Il fait
une autre remarque en faveur de la construction de l'école : "Il
n'est pas inutile d'ajouter que cet emplacement est isolé de tout établissement
pouvant être l'occasion de mauvais exemples ou de scandale". Le
projet a reçu l'approbation du CM et de l'autorité supérieure qui a
maintenu ses délibérations. Le
CM doit prendre la décision du maintien du projet et de
l'accomplissement des formalités nécessaires. Le prix du terrain sera
fixé par le jury d'expropriation. Dans
la DM du 13 février 1875, les discussions des conseillers municipaux
reflètent les idées républicaines sur l'Instruction Publique. "Il
faut que chaque individu apprenne au moins à lire, écrire et compter,
afin qu'il soit en mesure non seulement de faire ses affaires particulières,
mais aussi de remplir avec discernement ses devoirs de citoyen". "Le
suffrage universel, base de la souveraineté nationale et de l'autorité,
appelant à la vie politique et à l'exercice du droit électoral tous
les Français réunissant les conditions d'âge et de moralité, a rendu
plus particulièrement obligatoires l'éducation et l'instruction
primaire." Au
cours de l'année 1875, le projet de construction n'avance guère.
Le 19 juin 1875, le maire fait remarquer qu'au budget supplémentaire
de 1875, aucune somme destinée aux premières dépenses de construction
des écoles de Merville n'y figure. Le
17 décembre 1875, la question de Merville est moins avancée. Le préfet
apprend au CM que "le Conseil Départemental de l'Instruction Publique qui avait émis un
avis favorable, sans pouvoir prédire à quelle époque les formalités
prévues par la loi seront remplies"... et propose de relancer
le projet de construction des écoles de Merville. Il écrit aux élus
"nous avons pensé qu'il était
dès à présent urgent de préparer les voies et les moyens et nous
vous demandons d'inscrire au budget une première somme de 20.000 F pour
assurer l'exécution des travaux (Délibération du 20 décembre
1875.") La
DM du 12 février 1876 prévoit une somme de 1500 F pour le traitement
et le logement du directeur de l'école laïque de Merville. Dans
cette même délibération le CM émet le vœu formel que l'école de
garçons de Merville soit dirigée par un instituteur laïque. En
1876, le projet de l'école de Merville n'a guère avancé. Les tensions
entre la municipalité et l'autorité préfectorale persistent. M.
le Diberder demande ce qui a pu empêcher le Préfet de nommer
l'instituteur de Merville, s'il est décidé à nommer un instituteur laïque
! Dans la DM du 9 décembre
1876, on fait état d'une opposition en haut lieu, quant à la
construction du groupe scolaire de Merville. Les
élus voudraient que le projet se réalise. La commission de
l'Instruction Publique propose d'affecter une somme de 25.000 F pour
l'achat du terrain. Le
projet né en 1871, n'est toujours pas réalisé, le CM attend
l'autorisation depuis trois ans. Le
maire, M. Beauvais espère que cette question trouvera une solution
satisfaisante, le Conseil Départemental de l'Instruction Publique
ayant, malgré les protestations de certaines personnalités
lorientaises, approuvé le projet d'établissement d'un groupe scolaire
au lieu désigné par le Conseil municipal. Dans
la DM du 30 décembre 1876, le conseiller municipal M. Aubin communique
au Conseil une lettre par laquelle le Préfet du Morbihan rectifie une
erreur commise par la commission du budget de 1877, lorsqu'elle attribue
au mauvais vouloir de l'administration supérieure le retard apporté
dans l'établissement du groupe scolaire de Merville. L'avant projet a
été soumis à la commission départementale le 6 août 1875 et renvoyé
à M. le Sous-préfet le 4 septembre 1875 avec avis favorable. Le
retard ne parvient nullement du fait de l'administration supérieure qui
n'a été saisie d'aucun projet. Le conseiller, M. Diberder déclare
qu'il n'est pas à sa connaissance que l'état de la question ait été
exposé au conseil. Néanmoins, le CM constate que le Préfet est désireux
de voir aboutir le projet, et espère une prompte solution. Dans
la DM du 31 mars 1877, M. Ratier expose que malgré les instances du
conseil la question du groupe scolaire de Merville n'est toujours pas réglée...
Il demande au maire de donner des ordres pour parvenir à la
construction du groupe scolaire. Le
CM recherche des ressources pour faire face aux dépenses imposées par
la construction des écoles primaires : L'école de Kerentrech et l'école
de Merville. Le
ton des délibérations est grandiloquent et enflammé quand on parle
des priorités des réalisations. "En
première ligne, il faut placer la construction de vos écoles
primaires. Déjà vos écoles de l'intra-muros sont dans un état digne
de l'importance de Lorient". Le quartier de Merville sera doté
d'un groupe scolaire réunissant à une salle d'asile, des écoles de
filles et de garçons où "les enfants de Carnel et de Merville
viendront recevoir les bienfaits d'une éducation qu'une administration
républicaine doit plus que tout autre, répandre sans redouter d'être
accusée de profusion". Dans
la DM du 28 juin 1878, on entend que l'hospice serait disposé à céder
au prix de 7F le m² la partie de la prairie destinée à recevoir le
groupe scolaire de Merville. Dans
la DM du 19 octobre 1878, le maire Gustave Ratier fait le point sur la
situation scolaire; la population s'accroît, de nombreux enfants ne
sont pas scolarisés. Le projet de construction de l'école a pris
beaucoup de retard. La
municipalité a loué un local à M. Avenel pour y installer l'école de
garçons. C'est une solution provisoire ! La direction de cette école
est confiée à M. Koséravoski. Au début, 40 enfants fréquentent
cette école, puis 100 et 193 en 1878. L'effectif est trop élevé pour
les locaux. Le maire donne les détails suivant : "193
enfants amoncelés dans deux pièces qui devraient d'après les règlements
universitaires en contenir 90 à peine, il y a donc danger pour la santé
des enfants et cela peut-être une cause d'infériorité dans
l'instruction ! ... M.
Ratier affirme qu'il est impossible de maintenir cette situation même
jusqu'au mois de septembre 1879 date à laquelle nous devons entrer en
possession de la Nouvelle école. La
municipalité se voit contrainte, pour accueillir les enfants dans des
conditions acceptables, de louer un local à M. Simon, à compter du 1er
septembre 1878; la dépense sera prélevée sur les fonds d'entretien.
Cette classe, bien que séparée de l'école de Merville formera la 3e
classe de cette école et sera placée sous la surveillance de son
directeur. Elle fonctionnera au Tourniquet. Le
maire demande au CM de
l'autoriser à traiter avec M. Simon pour la location de la maison d'école,
à raison de 140 F pour une année à compter du 1er
septembre 1878. On
nomme un deuxième instituteur adjoint, ses appointements sont fixés à
1.000 F, logement en sus. En
septembre 1879, les enfants ne peuvent être accueillis dans la nouvelle
école de Merville car elle n'est pas encore achevée... En
effet dans la DM du 24 septembre 1879, le maire signale que M. Gueguen
l'entrepreneur de l'école de garçons de Merville n'a pas terminé les
travaux pour l'époque fixée par le cahier des charges. Les motifs du
retard sont dus à la mauvaise saison, à quelques changements dans les
plans et aux difficultés d'approvisionnement des matériaux. L'entrepreneur
demande que la municipalité lui accorde un sursis de quatre mois pour
l'achèvement complet des travaux. Le maire demande au CM que
l'entrepreneur ait une pénalité de 895 F pour le retard ; les travaux
devront être terminés le 31 décembre 1879. Le
CM refuse la proposition du maire. Le
maire met aux voix une proposition formulée par M. Joubaud et modifiée
par M. Floch : "Le CM reconnaît que
le retard apporté par Mr Gueguen est dû au mauvais temps qui a sévi
toute l'année. Il accorde à l'entrepreneur un sursis limité au 31 Décembre
1879 pour le complet achèvement de son entreprise. Il décide qu'une
retenue de 450 F sera faite sur le montant des bordereaux". "Si
les travaux n'étaient pas terminés pour le 31 décembre 1879, les pénalités
déterminées par l'art.45 du cahier des charges lui seraient appliquées
sans déduction de la retenue dont il vient d'être question". Le
23 février 1880, le CM invite l'administration à mettre M. Gueguen en
demeure de livrer les travaux dont il est adjudicataire. Au
début de l'année 1880, l'école de Merville n'est pas terminée... Cependant,
dans la DM du 19 janvier 1880, le débat porte sur le retard de la
construction de l'école des filles et constate la présence de "rocher"
dans le sous-sol du terrain prévu pour cette école, c'est une
difficulté imprévue qui ralentit le rythme du travail ! Il réclame
une plus value pour l'extraction des roches. Le
prix du m³ de rocher serait de 7 F, ce rocher pourrait être réemployé
dans la construction, il y a lieu de déduire le prix de 4 F portés au
bordereau pour "moellon rendu
à pied d'œuvre."
Après discussion, le conseil fixe à 3 F le prix du m³ de
rocher employé dans la construction. Il accorde à l'entrepreneur une
prolongation de deux mois, à partir de l'époque fixée au cahier des
charges. Un
délai de six semaines est accordé à l'entrepreneur de l'école de garçons. A
la fin de l'année 1880, la construction des écoles de Merville est
achevée. Dans la DM du 20 Décembre 1880, on fait état d'une réduction
de dépense concernant l'école de garçon (1190 F de moins.) On
prévoit l'aspect financier du fonctionnement des écoles de Merville
dans le budget de 1880. Des crédits sont prévus pour le traitement des
directrices et adjointes de l'école de Merville. (Il est précisé
qu'il s'agit des institutrices laïques de l'école de filles de
Merville qui remplaceront les institutrices congréganistes au 1er
septembre 1880). Traitement
de la directrice laïque………………….1200 F Traitement
des institutrices adjointes……………....600 F Le
maire, M. Ratier invite le CM à adopter les dépenses extraordinaires
avec les chiffres portés au budget. Les
huit premiers articles concernent les remboursements des annuités et
les paiements des intérêts concernant l'emprunt nécessité par la
construction du groupe de Merville. Le
maire s'exprime ainsi : "grâce
à la création de la caisse des écoles, nous avons eu la bonne fortune
de pouvoir contracter cet emprunt à des conditions
exceptionnelles." La
direction de l'école de garçons a été confiée à un maître laïque.
Le Maire souhaite qu'il en soit de
même pour l'école de filles. Cette
question fait débat dans la délibération du 30 mars 1880 Le
Maire, M. Ratier n'est pas présent au CM, il est très malade.
Cependant, il fait porter une lettre très importante adressée au CM. Le
Président de séance, M. Bachelot
Villeneuve la lit aux conseillers municipaux. Dans
ce courrier, le Maire renouvelle son souhait de voir l'école de filles
de Merville dirigée par une enseignante laïque. Il rappelle que "la
loi de 1880 exige un vote du conseil municipal toutes les fois qu'il
s'agit de substituer l'enseignement laïque à l'enseignement congréganiste;
nos écoles de Merville: écoles de filles, salle d'asile ont été
toutes construites dans l'intérêt de la laïcité. Aujourd'hui, le
moment est venu de réaliser ce projet."
Il invite le CM à délibérer sur la question suivante
: Est-ce que "l'école
communale de filles confiée à la Congrégation de la Providence, sera,
à partir des vacances confiée à une directrice et des adjointes laïques,
et de délibérer également sur la direction nouvelle, à donner à la
nouvelle salle d'asile, à partir de la même époque"? Dans
cette lettre, le maire Simon Ratier répond au conseiller Lucas qui ne
souhaite pas que l'école de filles de Merville
soit dirigée par une enseignante laïque. Il est très
conservateur…, il craint que la suppression de l'enseignement
religieux dans les faubourgs de Lorient
"occasionne de
nombreuses critiques…" Le mandat de la municipalité Ratier
touchant à sa fin, il propose de laisser à la municipalité suivante
la responsabilité de se prononcer sur la question de la direction de l'école
des filles de Merville. La
lettre que M. Ratier adresse au Conseil Municipal est capitale car il y
énonce avec clarté les principes de la société républicaine basés
sur la liberté de conscience de chacun. Il
définit le rôle des enseignants : "nous
voulons qu'ils donnent l'instruction et enseignent les principes de
morale, mais qu'ils s'abstiennent d'empiéter sur les droits du père de
famille, qui doit seul diriger, comme bon sui semble l'éducation
religieuse de ses enfants"
Il
précise encore : "Je
voudrais laisser à chacun sa tâche: Au maître d'école, l'instruction
et le soin d'enseigner aux enfants les grands principes de la morale
pure et de la loi. Au père
de famille, l'éducation. Au
prêtre, l'instruction religieuse". Simon
Ratier écrit encore: "Aujourd'hui,
nous sommes loin de mon programme. L'instituteur qu'il soit laïque ou
congréganiste est obligé d'enseigner aux enfants le catéchisme de la
religion dominante, le catéchisme catholique." Pour
le certificat d'études, les enfants sont interrogés sur ce catéchisme. La
liberté n'existe pas dans ce système… Il signale les dangers de
l'enseignement congréganiste. Le
maître "se considère comme chargé d'une mission divine et croit faire œuvre
pieuse en cherchant à soustraire l'enfant à l'influence de l'éducation
donnée par le père si cette éducation n'est pas conforme en tout
point aux dogmes étroits du culte qu'il professe." Le
maître d'école, au lieu de chercher à faire de l'enfant un bon
citoyen instruit, cherche avant tout à en faire un
défenseur de l'autel, le père de famille est obligé de laisser
façonner l'esprit et le cœur de ses enfants au gré d'un homme dont il
ne partage pas les idées religieuses et les espérances politiques, de
supporter que cet homme apprenne à ses enfants à mépriser les
doctrines qu'il professe et à exalter celle qu'il combat ou, de les
priver de ce qu'il considère comme le plus précieux des biens :
l'instruction". Simon
Ratier est un partisan de l'enseignement laïque, gratuit, et
obligatoire. Il
est l'un des membres actifs de la loge franc-maçonne de Lorient "Nature
et philanthropie": il
y côtoie Edouard Beauvais
qui a négocié auprès de l'autorité supérieure le retour de l'école
de garçons de Kérentrech dans le système républicain aux
instituteurs laïques[1]. Ces
deux hommes politiques, Ratier et Beauvais, ont réussi à convaincre
les élus locaux et l'autorité supérieure qu'il fallait fonder des écoles
laïques et gratuites à Lorient. Revenons
aux délibérations du 30 mars 1880. Après lecture de la lettre de M.
Ratier au CM, le vœu suivant est proposé: "A
partir des vacances de 1880, la direction de l'école communale de
filles, confiée actuellement à la congrégation de la Providence, le
sera à une directrice et à des adjointes laïques". "Et
en outre la direction de la Salle d'Asile de Merville sera confiée à
une laïque à partir de la même époque." Le
CM adopte ! En
octobre 1880, le quartier de Merville est doté d'un groupe scolaire
important comme le souhaitait le CM de Lorient en 1873. Par
la suite, la population de ce quartier populaire augmente rapidement car
il se trouve à proximité du site des constructions navales. Les
effectifs scolaires de l'école de Merville s'accroissent régulièrement,
la municipalité doit créer de nouvelles classes. Après
1880, les écoles de Merville peuvent recevoir les enfants des quartiers
de Carnel et Nouvelle Ville. La
population de Merville est de 5.974 habitants en 1941; les classes sont
surchargées… Dans la DM du 25 juillet 1882, on demande la création
d'une classe à Merville on compte : 308
enfants dans les écoles communales de garçons, 207
enfants dans les écoles de filles, 208
enfants dans les salles d’asile. Un
conseiller signale que des enfants de Plœmeur fréquentent l'école de
Merville, ce qui expliquerait les effectifs élevés. Pour répondre à
cette surpopulation enfantine, la municipalité crée des classes quand
cela est possible, en vérifiant que les besoins sont fondés. Dans le
DM du jeudi 15 mai 1894, le CM est informé que l'école de garçons de
Merville reçoit trop d'élèves (150 élèves pour une classe). Il y a
six instituteurs pour 550 élèves. On constate que la population de
Merville, Nouvelle-Ville a plus que doublé en dix ans, un
agrandissement de quatre classes sera insuffisant ! En
1895, on demande deux instituteurs à l'école de garçons de Merville. Au
début du vingtième siècle, la municipalité doit toujours régler des
problèmes d'école surchargée. Dans
la DM du 29 Mai 1903, l'école Maternelle de Merville est à l'ordre du
jour. On signale que l'effectif est de 540 élèves. Les locaux sont
insuffisants pour accueillir autant d'enfants. La Directrice propose la
classe à mi-temps, la moitié
des élèves en classe l'autre moitié sur la cour. Dans
la DM de Juillet 1906, la création d'un cinquième poste
d'adjointe à la Maternelle de Merville. On prévoit un 11e
poste d'adjointe à l'école de filles de Merville. Périodiquement, la
municipalité essaie d'agrandir les écoles de Merville. L'école
fonctionnera jusqu'à sa
complète destruction au cours des bombardements de février 1943. [1]
Cf Patrick Bollet, chapitre "Ecole de Kerentrech"
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Sources: Archives municipales de Lorient - Registres des délibérations du Conseil municipal |
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