DOUZE STELES GRAVEES D’UNE CROIX HAMPEE
DANS LE MORBIHAN OCCIDENTAL
Dominique PAULET
Kerulvé - Lorient
II - DESCRIPTION DES DOUZE STELES
1ère partie
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I - Présentation générale |
III - Tentative de classement typologique et chronologique |
II.1. Stèle de Crac’h | |||||
La reconstitution de ce monument est une chance : brisé, une de ses parties se tenait à coté de la « Montagne de Justice » (Lann Justis, non loin de Lomarec), l’autre servait de banc de jardin au Plessis-Kaer. Érigée depuis longtemps dans la cour du Château Gaillard à Vannes, la stèle est en ce moment remisée, donc non visible, pour cause de travaux. D’une hauteur appréciable de 2,7 m, la pierre n’a pas la belle régularité de surface que l’on observe habituellement sur les stèles de l’Age du Fer, mais peut-être est-ce du aux incidents qu’elle a subis. Le dessin de la croix est composé de contours courbes pour les bras horizontaux, droits pour les bras verticaux. Elle est surmontée d’un piquet portant deux pancartes (?) ; sur quelques documents du IXème siècle l’inscription christus figure en tête d’une croix, un usage plus ancien serait à rechercher. La face opposée de la stèle est gravée d’une croix hampée pratiquement identique, sans prolongement supérieur ni accompagnement d’inscription. Sous la référence M1, le CIPS situe l’épigraphe aux VIIème/ VIIIème siècles. Ceci donne un repère d’ancienneté au modèle de croix associé : le texte a pu être incisé après la croix, mais pas avant au vu de la manière dont il est disposé. Dans l’inscription figure le nom « Heranhal » qui se lit aussi sur la stèle de Kervily §II.6. |
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La stèle située à proximité de l’isthme d’accès à la presqu’île de Locoal (commune de Locoal-Mendon) en compagnie d’un grêle calvaire pourrait porter le nom du lieu, Pen Pont, mais elle se désigne d’elle-même par l’inscription qui y est insérée : « Croix Prostlon ». Certaines stèles de l’Age du Fer sont taillées en forme de colonne, mais elles sont peu présentes dans le Morbihan. Sur celle-ci le bourrelet en relief près du sommet apparaît comme un élément encore plus rare. Une telle pierre a pu se faire remarquer très tôt comme support de christianisation (hauteur 2,06 m). |
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Elle porte en vis-à-vis (comme sur la stèle de Crac’h §II.1) deux croix profondément gravées avec hampes, pratiquement identiques l’une à l’autre et d’un tracé typique de ce que l’on voit sur les stèles de notre groupe. |
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Par contre une frise et deux bandeaux verticaux sont d’un style complètement différent : gravures pouvant être jugées carolingiennes ou pré-romanes. Il convient de considérer que la décoration de cette stèle a été effectuée en deux stades éloignés dans le temps.Le CIPS donne à l’inscription une datation plausible IXème / Xème siècle, se basant sur la nature des caractères et sur l’existence avérée d’une femme de haut rang du nom de Prostlon6. | |||||
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II.3. Stèle de Branderion Cette stèle est adossée à un angle de la chapelle Sainte Anne, en bord de route à la sortie du bourg de Branderion, direction Hennebont. Elle est relativement basse (hauteur 1,15 m), aux arêtes très adoucies |
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Sur deux de ses faces, contiguës, on relève des gravures de croix assez érodées. Il n’y a pas d’inscription visible. Le grand intérêt de cette stèle est que les deux croix, toutes les deux pattées et hampées, sont de style différent et même de techniques de gravure différentes.
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L’une des croix est gravée en creux et à hampe fine, comme celles observées sur les deux stèles décrites ci-dessus et les deux suivantes. Le pourtour des bras de la croix est formé de segments légèrement incurvés.L’autre est gravée au simple trait creusé en contour. La hampe est courte, assez large. Le dessin paraît moins recherché que pour la croix en creux. Il ne semble pas concevable que ces deux motifs aient été réalisés simultanément. Aucun élément sur cette seule stèle ne permet de savoir lequel est le plus ancien de haut rang du nom de Prostlon.. |
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II.4. Stèle de Langonbrac’h
Langonbrac’h est un village à chapelle de la commune de Landaul, situé entre la route à quatre voies et le fond de la ria d’Etel. La stèle trône au milieu de la place-carrefour du village ; il semble qu’elle ne se soit pas éloignée de son lieu d’origine puisque dans l’inscription qu’elle porte figure le nom de Combracus vraisemblablement lié au toponyme : « Lan Combrac(.) » devenant Langonbrac’h, le préfixe « Lan » désignant une implantation religieuse. Un sarcophage de type médiéval7 est actuellement visible dans la chapelle toute proche. L’inscription de la stèle (voir l’ouvrage CISP sous M4) est de nature votive. Il paraît donc probable qu’un cimetière ait occupé le site durant le haut Moyen Age. La stèle mesure en hauteur 1,68 m ; d’un modèle classique à section rectangulaire, l’une de ses arêtes est écornée. La partie supérieure de la pierre a été cassée et recollée ; la gravure d’une croix figurant sur la seule face ornée est fort endommagée par cette cassure, et le dessin en est difficile à reconstituer. Un tracé méticuleux sur photo permet de retrouver le contour de la croix s’adaptant aux crosses encore visibles gravées à ses huit angles (les gravures nettement apparentes sont représentées en trait continu sur la figure ci-dessous). Des crosses sont visibles également au pied de la hampe. En haut la croix est dominée par un motif ressemblant à une pioche ou à un outil utilisé par les charpentiers ou les tailleurs de pierre, l’ascia romain ; réminiscence d’un symbolisme antique ? La croix elle-même est beaucoup plus en creux que les enjolivures l’accompagnant, sans donner clairement l’impression de deux étapes de gravure comme sur la stèle Prostlon §II.2. L’épitaphe est datée par le CIPS : fin VIIIème ou IXème siècle. Parmi nos douze stèles, il n’y a que celle de Langonbrac’h où la croix est accompagnée de crosses aux extrémités des bras. Cette particularité se présente ailleurs : sur la photo ci-contre d’une dalle byzantine d’Asie Mineure, on voit figurer ces barbillons. Cela donnerait une origine orientale au motif. |
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II.5. Stèle de Kervanguen
Le précédent bulletin de notre Société9 contient deux articles concernant la stèle de Kervanguen (Lanester) récemment mise en évidence. Il suffit de rappeler ici que la pierre (hauteur 1,2 m) est d’une belle géométrie et que sa seule face ornée porte une croix et deux lignes d’inscription. |
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La croix est pattée mais à branches fines. La hampe s’élargit régulièrement vers le bas. Ces caractéristiques s’éloignent quelque peu des normes des croix présentées aux paragraphes précédents. Une localisation hors de la frontière du Pou Belz expliquerait-elle une influence différente, par exemple celle des moines de Saint Guénaël ?L’analyse de l’épigraphe menée par Louis Goulpeau le conduit à la faire remonter au VIIème ou VIIIème siècle. Tout porte à croire, comme il le souligne, que le nom « Ramlio » qui y figure porte la marque d’une famille venue de Cornouaille. La destination de nos stèles n’est pas souvent évidente : accompagnement d’une tombe, repère de limite territoriale, marque d’un lieu de rencontre…? L’inscription fait ici penser à une sépulture et l’emplacement à un bornage du domaine du monastère de Saint Guénaël. Les deux rôles ont pu être joués successivement. |
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II.6.
Stèle de Kervily
On sait que cette stèle était autrefois située au village de Kervily en Languidic. Elle est placée actuellement dans un parc privé à la pointe de Kerzo en Port-Louis, visible depuis la rade. C'est un modèle typique de stèle haute de section presque carrée à arêtes verticales très adoucies. Sa hauteur est de 1,68 m
Le mode de sculpture de la croix et de sa hampe est original : le motif n’est pas bordé d’un simple trait en gorge, mais en « faux relief ». C’est-à-dire que la gorge, abrupte du coté du motif, est en pente douce du coté s’en écartant, jusqu’à rejoindre à 5 ou 10 cm la surface plane de la pierre. Dans une taille en vrai relief toute la face concernée aurait été travaillée pour faire ressortir le sujet sur une surface entièrement aplanie.La croix est particulière dans sa forme : les bras sont dessinés à traits droits, implantés dans un cercle central. La hampe est longue et large. |
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Portant une inscription, elle est étudiée par le CISP sous la référence M5 ; il lui est donné une datation VIIème/VIIIème siècle. Un nom de l’épigraphe permet un rapprochement avec la stèle de Crac’h §II.1, de la même période. |
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