Bulletin n°37 2008 -
2009 PRODUCTIONS
CÉRAMIQUES DU
NÉOLITHIQUE
ARMORICAIN Gwenaëlle
Hamon Docteur en Archéologie et Archéométrie,
collaboratrice UMR 6566
Les productions céramiques sont un témoin de la culture matérielle
représentant un axe de recherche essentiel, leur fabrication et leur
utilisation permettant de mieux comprendre les modes de vie des
populations néolithiques. En Bretagne, ce champ d’études a profité
d’un renouvellement de la recherche grâce à des découvertes déterminantes,
effectuées dans le cadre de programmes de recherche de l’UMR 6566
CReAAH et de fouilles préventives réalisées par l’INRAP. Toutefois,
de nombreux mobiliers de sites fouillés anciennement constituent également
une riche source documentaire incontournable. Nous dressons ici un tableau évolutif des productions céramiques néolithiques en suivant le découpage chronologique en vigueur et en nous restreignant à une zone d’étude constituée des quatre départements bretons.
Les analyses des pâtes céramiques montrent une
utilisation préférentielle d’argiles issues de l’altération de
roches locales au Haut-Mée et l’emploi fréquent d’une argile sédimentaire
pliocène, très riche en glauconie, à Pluvignon et au Clos Henry (Hamon,
2003). Les inclusions osseuses sont rares. Le montage au colombin semble
exclusif et les décollements d’éléments plastiques sont fréquents.
L’épaisseur moyenne des céramiques est de
Les profils sont généralement simples. Les marmites et les bols
présentent une panse en trois-quarts de sphère, les jarres et les
jattes une panse ovoïde. Les bouteilles et quelques pots et bols sont
les seuls individus à profils discontinus. Les lèvres sont
majoritairement simples, et parfois, notamment dans l’étape récente,
débordantes. Presque tous les récipients sont munis d’éléments de
préhension et / ou de suspension, organisés de manière ternaire.
A Pluvignon, les décors imprimés, généralement réalisés au
poinçon simple, dominent. Quelques décors au peigne et des digitations
ont été mis en évidence. Les impressions sont organisées en ligne
sous la lèvre ou en V à partir des anses. Sur les autres sites plus récents,
les décors plastiques sont majoritaires, notamment les cordons fixés
aux anses pour rejoindre le bord (« V cordons) et ceinturant les récipients
de grande taille (jarres et marmites). Les boutons appliqués sont très
nombreux, sur le pourtour des lèvres et un unique exemple de boutons au
repoussé a été mis en évidence. Le site du Haut-Mée a également
livré des décors imprimés au peigne, au poinçon et au doigt. Les formes et les décors rappellent ceux que l’on rencontre dans le Bassin parisien au sein des corpus Villeneuve-Saint-Germain et dénotent une perduration des savoir-faire et le respect de normes. Toutefois, les ajustements technologiques et les innovations stylistiques révèlent une bonne adaptation à leur environnement de ces nouvelles populations.
Néolithique moyen I (4700-4300 av. J.-C.)
planche 2
Les argiles constituant les pâtes céramiques sont prélevées
localement et proviennent de l’altération du substrat local. Sur le
littoral morbihannais, des dépôts sédimentaires d’origine marine
ont pu être utilisés (Hamon, 2003 ; Morzadec, 1995). Les
adjonctions anthropiques dans les pâtes sont plus fréquentes,
notamment celles de chamotte, tandis que l’os est quasiment absent.
Les techniques de montage se diversifient. Celle du moulage sur forme
convexe a pu être clairement mise en évidence sur des céramiques à
ouverture ovalaire (Hamon et al., 2005) (pl. 2, n° 7-9). La
finesse des vases est remarquable, avec des épaisseurs moyennes de 5 à
Les formes se complexifient mais les lèvres restent simples. On
observe des individus très ouverts tels que les coupes et les coupelles
et mais aussi à profil composite, en S ou segmentés, carénés
notamment (bols, pots, jattes et même marmites ; pl. 2, n° 2, 4,
5). Les vases à ouverture ovalaire constituent un aspect particulier de
l’assemblage, de même que les plats (pl. 2, n° 10-12). Hormis ces
derniers, les vases sont pourvus d’éléments de préhension et / ou
de suspension, organisés de manière ternaire ou binaire. Ces éléments
sont de morphologie et de taille très variable et de nouveaux types
apparaissent, tels que les languettes, perforées ou non, et les poignées.
Les décors plastiques sont constitués de petits boutons, dont
certains au repoussé (pl. 2, n° 1, 3, 4). Les décors en creux
consistent en des traits incisés ou des cannelures dessinant des motifs
particuliers (crosse, U ou corniforme, arceaux, épis, etc.. ; pl.
2, n° 2-4). Ces motifs s’organisent en panneaux ou en bandes, sur des
cols. Ceux-ci et les carènes deviennent également le support
d’impressions punctiformes ou subrectangulaires réalisées au poinçon,
à la spatule, ou encore, dans de rares cas, à l’aide de l’apex
(extrémité) de coquillages. Ce style particulier Castellic (L’Helgouac’h
1971) est associé à des pots, jattes et bols carénés. Sa répartition
s’étend du sud du Finistère à
Les ensembles céramiques présentant les caractéristiques
typo-technologiques Castellic évoquent une production particulière et
localisée, liée à des activités votives et / ou cérémonielles en
rapport avec l’émergence de grands monuments (Hamon, sous presse).
Les plats et des céramiques à ouverture ovalaire ont sans doute la même
finalité, mais ils sont sans doute des imitations d’objets produits
en contexte Chambon (groupe culturel du Centre de
D’une manière générale, les pâtes céramiques sont constituées
d’argiles d’altération et le traitement des pâtes devient fréquent.
L’épuration de l’argile et l’ajout d’os finement broyé dans
certains vases (Morzadec, 1995) permettent un polissage poussé (Hamon,
2003). La chamotte est par contre quasiment absente. L’épaisseur
moyenne des céramiques est identique à celle enregistrée au Néolithique
moyen I, soit 5-
Le décor imprimé est majoritaire. Le décor Castellic, que
l’on retrouve sur des gobelets, des bols et des coupes-à-socle, est
très répandu dans le sud du Morbihan (pl. 3, n° 2, 6 et 9) mais il déborde
largement le cadre de cette zone nucléaire, puisqu’on en observe dans
le reste de
D’un point de vue technologique et morphologique, les ensembles
armoricains s’inscrivent dans la lignée de ceux mis en évidence dans
le Nord de
La diversification des ressources argileuses a été mise en évidence
(notamment dans le corpus céramique de l’habitat et de la sépulture
à entrée latérale de Beaumont-sur-Oust, Morbihan ; Morzadec,
1995). Le montage au colombin et / ou par plaque est identifiable.
L’innovation technique la plus notable est l’apparition du fond
plat, simple ou plus ou moins débordant et très rarement ombiliqué,
qui se généralise sur les formes les plus grandes, comme les pots et
des jarres, dont l’épaisseur va augmenter considérablement (pl. 4, n°
1-7). L’épaisseur moyenne des vases est de 8 à
Les céramiques de style Groh-Collé (pl. 3, n° 5) consistent généralement
en des bols, à profil en S ou carénés, bruns, fins et très bien lissés.
Ils sont décorés de motifs incisés verticaux, horizontaux et en dent
de loup, organisés en panneaux sur le col. La plus forte concentration
de petits récipients à décors Croh-Collé se situe entre le sud du
Finistère et le sud du Morbihan.
Les céramiques de style Kerugou (pl. 3, n° 6 et 7) se répartissent
du Finistère à
A lumière des dernières synthèses, une étape ancienne du Néolithique
récent (soit 3600-3300 av. J.-C) comprend les productions Groh-Collé
et une étape récente (soit 3200-2900 av. J.-C.) les productions
Kerugou (Guyodo, 2001). Malgré l’apparition de styles décoratifs
particuliers, la production est très comparable à celles, plus
orientales, de Normandie et du Bassin Parisien, et l’influence des
productions céramiques des populations du groupe Seine-Oise-Marne du
Nord de
Le Néolithique final (2800-2500 av. J.-C.)
Le site de référence ayant fait l’objet d’une étude
approfondie (réalisée par J.-Y. Tinévez) est celui de
Les caractéristiques technologiques et morphologiques sont très
proches de celles évoquées pour le Néolithique récent (pl. 4, n°
8). A noter la présence d’inclusions osseuses et de chamotte dans
certaines pâtes (Querré in Tinévéz dir., 2004). Les décors,
en creux, sont réalisés sur des vases à parois fines, sur la partie
supérieure, de quelques millimètres sous la lèvre jusqu’à la
rupture de profil, matérialisée parfois par une carène. Le trait est
le motif le plus fréquent. Il s’organise en chevrons, en lignes brisées,
en lignes ondulées, en triangles. Les éléments de préhension sont
rares et consistent en des languettes ou des boutons simples.
Des comparaisons sont à établir avec des ensembles du
littoral sud-armoricain, comme celui de la sépulture de Conguel à
Saint-Pierre-Quiberon dans le Morbihan (Tinévez dir, 2004). Du reste,
des influences méridionales ont été entrevues, avec les groupes
artenaciens notamment, pour ce qui est des décors en triangle (ibid.).
BAILLOUD
G., 1975 – Les céramiques « cannelées » du Néolithique
morbihannais. Bulletin de BLANCHET S., FORRE P., FROMONT N., HAMON C., HAMON
G., à paraître – Un habitat du Villeneuve Saint-Germain en Bretagne
Orientale (Pluvignon à Betton (Ile et Vilaine). 28ème colloque Interrégional
sur le Néolithique. Le Havre. Quoi de neuf à l’ouest ? Cultures, réseaux
et échanges des premières sociétés néolithiques à leur expansion. BOUJOT
C., CASSEN S., 1992 – Le développement des premières architectures funéraires
monumentales en France occidentale. In
: LE ROUX C.-T. (dir.) : Paysans
et bâtisseurs : l’émergence du Néolithique atlantique et les origines
du mégalithisme. Actes du XVIIe colloque interrégional sur
le Néolithique, Vannes, 29-31 octobre 1991. Revue
Archéologique de l’Ouest, supplément n° 5. Rennes, p. 195-211. BRIARD,
J., GAUTIER, M., LEROUX, G., 1995 – Les mégalithes et tumulus de
Saint-Just, Ille-et-Vilaine. Documents préhistoriques 8. Paris, éd. du Comité des Travaux
Historiques et Scientifiques, 176 p. CASSEN
S., MÜLLER M., 1992 – Vestiges céramiques de l’horizon Cerny en
Arzon (Morbihan), Bulletin de CASSEN
S., BOUJOT C., VAQUERO J., 2000 – Eléments
d’architecture. Exploration d’un tertre funéraire à Lannec er Gadouer
(Erdeven, Morbihan). Constructions et reconstructions dans le Néolithique
morbihannais. Propositions pour une lecture symbolique. Mémoire XIX.
Chauvigny, Association des Publications Chauvinoises, 814 p. CASSEN
S., AUDREN C., HINGUANT S., LANNUZEL G., MARCHAND G., 1998 – L’habitat
Villeneuve-Saint-Germain du Haut-Mée (Saint-Etienne-en-Coglès,
Ille-et-Vilaine). Bulletin de GIOT
P.-R., 1987 – Barnenez – Carn – Guennoc. Travaux du laboratoire
d’anthropologie – préhistoire – protohistoire et quaternaire
armoricains, Université de Rennes I. Rennes,
2 vol. GIOT
P.-R., L’HELGOUAC’H J., MONNIER J.-L., 1998 – Préhistoire
de GUYODO
J.-N., 2001 – Les assemblages lithiques des groupes néolithiques sur le Massif
armoricain et ses marges. Thèse de Doctorat multigraphiée, Université
de Rennes I-Beaulieu. 1 vol., 466 p., 61 fig., 69 pl. HAMON G., sous presse –
Modalités et finalités des dépôts céramiques au Néolithique moyen
(4600-3800 avant J.-C) entre Loire et Normandie. In Bonnardin et
al. dir : Du matériel au spirituel. Réalités archéologiques
et historiques des « dépôts » de HAMON,
G., 2003 – Les
productions céramiques au Néolithique ancien et moyen dans le nord-ouest
de HAMON
G., HINGUANT S., 2002 – La
coupe à socle de Kerléan (Concarneau, Finistère). Journée « Civilisations
atlantiques et Archéosciences ». Rennes, le 9 mars 2002. Rennes, p.
28-30. HAMON
G., QUERRE G., AUBERT J.-G., 2005 – Techniques de fabrication de céramiques
du Néolithique moyen I en Armorique. In : Actes du XXIVème colloque international U.I.S.P.P., Liège, 2001.
British Archaelogical Reports. 228
p. HAMON G., DAIRE
M.-Y., BARON A., BAUDRY A., DEFAIX J., DESSE J., DUPONT C., GUYODO J.-N. et
VISSAC C., 2006 – Peuplements préhistoriques et protohistoriques de l’île
aux Moutons (Fouesnant, Finistère), Journée
Civilisations atlantiques et archéosciences 8 avril 2006, Université
de Rennes 1, p. 26-27. HUYSECOM
E., 1983 – La question des bouteilles à collerette. Identification et
chronologie d'un groupe méridional répandu de l'Ukraine à LAPORTE
L., BERNARD V., BIZIEN-JAGLIN C., BLANCHET S., DIETSCH-SELLAMI M.-F.,
GUITTON V., GUYODO J.-N., HAMON G., MADIOUX P., NAAR S., NICOLLIN F.,
NOSLIER A., OBERLIN C ., QUESNEL L., 2003 – Aménagements du Néolithique
moyen dans le Marais de Dol au pied de la butte de Lillemer
(Ille-et-Vilaine) : les apports d’un programme de prospection thématique.
Revue Archéologique de l’Ouest,
20, p. 127-153. LARGE
J.-M., MENS E., 2008 – Des pierres parlent… L’alignement du Douët à
Hoëdic (Morbihan, France), Melvan L’HELGOUAC’H
J., 1965 – Les sépultures mégalithiques en Armorique. Travaux du Laboratoire
d’Anthropologie - préhistoire - protohistoire et quaternaire armoricains,
Université de Rennes I, 220 p. L’HELGOUAC’H
J., 1971 – Les débuts du Néolithique en Armorique au IVe millénaire
et son développement au commencement du IIIe millénaire. Die Anfänge des Neolithikums von Orient bis Nordeurope. Fundamenta,
Reihe A, Band 3, p. 178-201. LE
GOFFIC M., 2002 – La nécropole mégalithique de LE
ROUX C.-T. (dir.), 2006. – Monuments mégalithiques à Locmariaquer
(Morbihan). Le long tumulus d’Er Grah dans son
environnement, Paris, CNRS éd., 38e suppl. Gallia Préhistoire,
p. 123-145. LE
ROUX C.-T., L’HELGOUAC’H J., 1967 – Le cairn mégalithique avec sépulture
à chambres compartimentées de Kerleven, commune de MARCHAND
S., HAMON G., 2003 – Un habitat du Néolithique final sur la commune de Douarnenez (Finistère).
Journée de l’UMR 6566 « Civilisations Atlantiques et Archéosciences ». MENS
E., 1995 – Le mobilier céramique du
Lizo à Carnac (Morbihan). Mémoire de maîtrise multigraphié,
Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne), 2 vol. MORZADEC
H., 1995 – Pétro-archéologie des céramiques armoricaines du Néolithique à l’âge
du Fer. Travaux du Laboratoire d’Anthropologie de Rennes, n° 41.
Rennes, 206 p. PAILLER Y, BLANCHET S., GUYODO J.-N., HAMON G.,
MARCHAND G., 2008
– Le Villeneuve-Saint-Germain
dans la péninsule Armoricaine : les débuts d’une enquête.
In : Burnez-Lanotte L., Ilett M. et Allard P. (ed.) :
Fin des traditions danubiennes dans le Néolithique du Bassin parisien et de
POLLES R., 1985 –
Les vases à bord perforé du Néolithique
final armoricain. Bulletin de TINEVEZ J.-Y. (dir.) 2004
– Le Site de |