3. L’aimantation rémanente ou datation
archéomagnétique
Cette méthode s’adresse
également aux matériaux d’argile cuite (four, matériaux de
construction, poteries). Elle repose sur la conjugaison de deux
phénomènes :
* la présence autour du globe terrestre d’un
champ géomagnétique (CMT) dont l’intensité et la direction
varient dans le temps. De plus, ces paramètres dépendent à un
instant donné de la situation géographique du lieu (correction de
latitude et de longitude).
* l’existence dans l’argile de quelques % d’oxydes
de fer qui lors de la cuisson se transforment chimiquement (apparition
de la couleur rouge brique) puis au cours du refroidissement
acquièrent une aimantation rémanente corrélée en grandeur et en
direction à celles du champ géomagnétique ambiant.
Les variations d’orientation du
champ magnétique terrestre n’ayant pas été relevées au cours des
temps (premières mesures au début du XVIIème siècle), il
a fallu en premier lieu reconstruire la courbe des variations
séculaires du CMT. C’est par référence à des matériaux
archéologiquement bien datés et dont on a déterminé l’orientation
de l’aimantation rémanente que cette courbe a pu être établie dans
plusieurs pays du monde. La méthode est indirecte et sa portée
limitée à l’étendue de ces courbes d’étalonnage (essentiellement
les temps historiques : au plus depuis quelques siècles avant
J.C.).
La grandeur étudiée (aimantation
rémanente) étant orientée, il convient d’apporter le plus grand
soin au repérage spatial de l’échantillon lors de son prélèvement.
Deux cas de figure peuvent se présenter :
a) le
matériel archéologique n’a pas bougé depuis sa dernière chauffe
(il est retrouvé in situ) permettant un prélèvement dans un
repère géographique (verticale, nord, est) qui assure la conservation
des orientations de l’aimantation à mesurer. C’est le cas pour les
fours et foyers. On dégagera donc une portion d’argile cuite à
prélever qu’on noiera dans du plâtre (soit dans un cadre métallique
amagnétique, soit avec un simple chapeau de plâtre qu’on complètera
en laboratoire). Une des faces du bloc de plâtre sera (avant sèchage)
rendue horizontale avec l’aide d’un niveau à bulle et sur cette
face, on portera soit le nord magnétique actuel (déclinomètre), soit
l’orientation exacte du soleil à l’heure soigneusement notée du
prélèvement (équerre fendue).
b) le
matériel archéologique a été déplacé depuis son lieu de production
(atelier de tuilier par exemple) jusqu’à son lieu d’utilisation où
il a été retrouvé lors de fouilles (cas des tuiles, briques ou
poteries). Pour pouvoir utiliser l’orientation de l’aimantation, il
est nécessaire d’émettre des hypothèses qu’il faudra in fine
vérifier. C’est la forme géométrique du matériau
(parallélépipède par exemple pour une brique) qui induit que l’une
des faces est en fait le plan horizontal du lieu de cuisson.(brique
posée sur une face sur la sole horizontale d’un four). Le
prélèvement des échantillons se fera donc en laboratoire dans un
repère lié aux arêtes du matériau. Mais dans l’opération une
donnée angulaire (la déclinaison, écart par rapport au nord
géographique) est irrémédiablement perdue et le traitement
statistique des résultats s’en trouvera quelque peu compliqué.
La mesure en laboratoire de l’orientation
et de l’intensité de l’aimantation rémanente se fera sur les
échantillons convenablement orientés. Au sein d’une enceinte
blindée en µmétal, ils seront mis en rotation à l’intérieur d’une
bobine torique fixe dans laquelle la rotation de la composante de l’aimantation
rémanente de celui-ci induira un signal électrique. En répétant
cette manipulation pour plusieurs positions de l’échantillon par
rapport à l’axe de rotation, on peut restituer l’orientation exacte
de l’aimantation rémanente par rapport au repère de prélèvement
lié à celui-ci.
Plusieurs effets parasites sont
susceptibles de perturber l’exacte corrélation de direction entre l’aimantation
induite et le champ géomagnétique (anisotropie de forme du matériau
ou anisotropie de texture de la pâte, présence d’aimantations
secondaires induites par des chauffes partielles ultérieures, …). Des
méthodes de correction permettent la prise en compte de ces effets
parasites dont on sait en conséquence éliminer les effets.
Reste à replacer ces résultats d’orientation
(inclinaison, déclinaison) sur la (ou les) courbe de variations
séculaires du CMT. Pour une valeur donnée de l’inclinaison,
plusieurs solutions sont possibles et c’est alors la connaissance de
la déclinaison qui permet la discrimination entre celles-ci. Mais dans
le cas où les échantillons ont été prélevés sur des matériaux
déplacés, la déclinaison n’est plus accessible et ce sont des
données externes à la méthode (souvent des données archéologiques
recueillies en fouilles) qui permettent la sélection entre ces
solutions multiples. La précision atteinte est celle de la courbe d’étalonnage
(±20 ans au mieux).