Bulletin n°37 2008-2009 Rechercher Page précédente Accueil Plan du site |
Il n'existe plus de doute quant à l'authenticité du "ballon monté" présenté ci-dessous et dans la deuxième partie LES
BALLONS MONTES
PENDANT LE SIEGE DE PARIS 18 Septembre 1870 – 28 Janvier
1871 Ière Partie Ancien Professeur de langues au Lycée Dupuy de Lôme de Lorient A la
fin de l'année 2008, un sociétaire apporte à la Société d'Archéologie
et d'Histoire du Pays de Lorient un document ancien et précieux: une
lettre adressée de Paris par M. Jules Mefsurier à Madame Simpson,
Hereford Square, à Londres datée du 29 septembre 1870. Il s'agit d'une
feuille de papier fin soigneusement pliée comportant à la fois
l'adresse du destinataire et le texte de la lettre et présentant différents
cachets parmi lesquels la mention: "PAR
BALLON MONTE". Monsieur Baudry propose de faire traduire
cette lettre qui évoque la guerre de 1870 et ses incidences sur la vie
parisienne, et confie cette tâche à Monsieur Guermeur, Professeur de
langues ayant longtemps exercé au lycée Dupuy de Lôme à Lorient.
|
|
Ci-dessous la traduction de la lettre par M. Guermeur. Cliquer sur ce lien pour afficher la lettre dans une fenêtre particulière |
9, Rue
des 2 portes St Sauveur Paris
- Sept 28/70 Chère
Madame Simpson, J'ai
rallié l'artillerie des Volontaires de la Garde Nationale – mais je
n'ai pas eu la chance de tirer un coup de fusil sur les Prussiens, - pas
encore, mais je m'attends à le faire à chaque instant. J'ai déjà,
pendant la nuit, pris deux ou trois fois les armes au son du clairon, -
mais seulement à l'occasion de fausses alertes. L'Artillerie
de Marine qui occupe les forts devant nous (qui occupons les
fortifications de Paris), neutralise invariablement tous les canons de
l'ennemi dès que ceux-ci prennent position, de telle sorte que
jusqu'ici ils ne nous ont pas fait de mal – certains parmi les
gaillards de notre artillerie de Marine sont de remarquables tireurs d'élite;
l'un d'eux a détruit 47 de leurs canons en 47 coups - . Pour cela, il a
été décoré de la croix d'honneur, et l'a bien méritée. J'ai hâte
d'essayer mon adresse et voir ce que je peux faire pour nos chers amis.
J'ai l'impression de pouvoir tirer très très très bien. Vous
pensez peut-être que je suis assoiffé de sang, mais, hélas, je ne le
suis pas plus qu'il n'est nécessaire – Rappelez-vous que nous
combattons tous pour notre vie – et pour plus que notre vie. Ici, il
n'y a pas de lâches. Il y en avait très peu et ils ont été fusillés.
Hommes, femmes, et enfants, tous sont préparés "au pire et à
faire le pire". Depuis mon arrivée ici, 400000 Gardes
Nationaux ont été armés; nous avons environ 300000 hommes, réguliers
et éléments mobiles. Une quantité de poudre, de cartouches, d'obus,
beaucoup de provisions. Les Français sont étonnamment rapides à
apprendre le devoir militaire, l'exercice, etc… et des hommes qui, il
y a quelques semaines, ne distinguaient guère un Chassepot d'un éléphant,
font maintenant l'exercice comme des troupes aguerries – et, ce qui
est le mieux – tiennent admirablement le coup sous le feu et dans la
douleur. Quelle supériorité! Les mobiles et les volontaires sont nos
soldats les plus courageux. Ceux de la Bretagne se sont fait là une réputation.
Avant le combat ils s'agenouillent et leur prêtre, qui est venu de chez
eux, leur donne la bénédiction après une courte prière, puis ils
vont de l'avant, tel un vrai mur d'acier, ne cédant jamais un pouce de
terrain, quelles que soient les conditions du combat. Ces bons Bretons
sont la bravoure personnifiée, et bien qu'ils aient la tête dure comme
soldats de bivouac, ce sont de magnifiques gaillards pour faire la guérilla
et régler leur compte aux Uhlans. Il ne
faut pas que vous pensiez que toutes les horreurs de la guerre, dont
nous sommes entourés, les blessés et les morts, les forêts et les
maisons en feu, le bruit du canon, affectent à un degré élevé
l'aspect des Boulevards. N'allez pas croire que toute personne croisée
nous rappelle par son allure militaire "l'affaire de la
ville". On ne pourrait jamais s'imaginer que Paris est investi. Les
rues sont pleines de dames et d'enfants, les cafés pleins de clients
qui plaisantent avec insouciance, fument, jouent aux dominos –
exactement comme si les Prussiens étaient à un millier de milles de
distance et n'avaient jamais pensé à venir ici. – Seulement, si l'on
bat le tambour, vous les voyez cesser avec bonne humeur de plaisanter,
de fumer, de jouer, mettre le fusil à l'épaule, gagner calmement leur
rang et partir en ordre de marche, sans plus de cérémonies, en prononçant
toujours ces mots: En avant, au front! Jusqu'ici
nous n'avons perdu qu'environ 250 hommes. L'ennemi a dû en
perdre au moins 10000. La différence semble considérable, mais
elle s'explique par le fait que nos artilleurs descendent les Prussiens
en restant eux-mêmes à l'abri. Toutefois nous nous attendons, avant très
long temps, à quelque chose de chaud, de très chaud, mais nous
sommes tout à fait prêts. Je ne
présente pas mes excuses pour ce griffonnage malpropre. Les artilleurs
volontaires ont peu de temps pour observer les bonnes manières. J'espère
que vous vous gardez en bonne santé. Et vous remercie de vos bons vœux. Avec
mon respectueux souvenir, je suis, chère Madame Simpson, à vous de
tout cœur Le clairon sonne mais je ne sais pas si c'est pour nous
|