STAGE
DE TERRAIN D’ELLIANT
DU
11 AU 15 NOVEMBRE 2004
L’occupation
néolithique de la Cornouaille orientale
(par
Yvan Pailler – Docteur en Préhistoire)
Quelques
remarques d’ordre général
Depuis quatre ans, les séries lithiques recueillies lors des stages de terrain organisés par Yann Bougio corrélées aux acquis de la recherche permettent d’avoir une meilleure compréhension de la Préhistoire récente de la partie orientale de la Cornouaille, la limite occidentale pouvant être fixée à la rivière de Pont l’Abbé, et de proposer quelques hypothèses de travail. Ces constats valent seulement pour le Néolithique, l’occupation du terroir durant le Mésolithique relevant d’autres logiques et d’autres contraintes.
Le secteur concerné est riche en monuments mégalithiques. Pourtant, les inventaires disponibles (travaux de Bellancourt) ne font pas état d’une variété telle qu’on en connaît dans le Pays Bigouden voisin. Les vestiges observables concernent quasi-exclusivement des menhirs et des allées couvertes. Ces dernières sont importantes car elles traduisent une forte occupation au Néolithique final, au cours du IIIe millénaire avant J.-C..
Grâce aux travaux de P.-R. Giot et de J. Cogné dans les années cinquante (Giot, Cogné, 1955) on sait que la commune de Pleuven a abrité un atelier de fabrication de haches dites de combat en méta-hornblendite de type C. Ces objets perforés ne sont pas des outils mais des biens socialement valorisés recueillis fréquemment en contexte funéraire ou lors de dragages fluviaux. Bien que ces productions ne soient pas calées chronologiquement avec précision, on peut les attribuer aux phases finales du Néolithique. Une seule pièce a été découverte en stratigraphie sur le site peu-richardien de la Sauzaie à Soubise (Charente-Maritime ; Gachina et al., 1975) et serait comprise entre les dates 14C suivantes : 3470 et 2860 avant J.-C.. En France, l’aire de répartition de cette production, relativement modeste numériquement, se superpose à celle de la méta-dolérite de type A (Cf. travaux de C.-T. Le Roux). En Bretagne, deux concentrations ont été repérées, une dans le sud du Finistère, l’autre sur le littoral morbihannais.
La majorité des sites de surface découverts ces dernières années appartiennent aux phases récentes du Néolithique voire à l’Age du Bronze. Ils se caractérisent par la présence quasi-systématique de grattoirs, majoritairement sur entame ou sur éclat cortical. Bien que moins fréquents, on note fréquemment l’existence de perçoirs, de lames, en silex d’importation ou non, de burins et, dans les séries les plus importantes, d’armatures perçantes à retouches bifaciales. L’utilisation des galets de silex est prépondérante mais on note presque toujours la présence de quelques produits en roches locales comme le grès lustré (Cf. placages de Moulin du Pont). Toutefois, cette utilisation de roches de substitution ne semble pas faire l’objet de véritables stratégies d’acquisition comme c’est le cas au Mésolithique final. Un nombre important d’indices de sites se caractérise par une poignée de pierres taillées peu informatives technologiquement mais au sein de laquelle on trouve de manière récurrente des grattoirs sur entame. Les méthodes de débitage mises en œuvre sur ces sites sont le débitage direct à la pierre dure et le débitage sur enclume, selon des proportions pouvant varier d’une station à l’autre.
La partie orientale de la Cornouaille apparaît donc aujourd’hui comme un territoire densément fréquenté au Néolithique récent / final. En revanche, les phases ancienne et moyenne de cette période sont peu représentées. Pour ne prendre qu’un exemple propre au Néolithique ancien, aucun anneau en pierre n’a pour encore été découvert dans la zone alors que les prospecteurs y prêtent depuis plusieurs années une attention particulière. Ces éléments importants pour la compréhension de l’occupation des terroirs au Néolithique trouve un écho avec les résultats obtenus lors de la prospection du Pays Pagan (nord du Finistère) il y a quelques années. Là aussi, nous sommes en présence d’un secteur riche en allées couvertes entourées de stations de la fin du Néolithique et où les phases plus anciennes se font relativement discrètes. Y a-t-il des explications à cette lacune en sites du Néolithique ancien ou moyen ? En ce qui concerne les sites funéraires, Y. Sparfel (2002) a montré que dans la partie occidentale du Léon, les concentrations de tombes à couloir et d’allées couvertes ont tendance à s’éviter, la relative pauvreté du Bas-Léon en monuments tardifs pouvant s’expliquer dans une certaine mesure par une réutilisation des tombes à couloir. A quelques nuances près, un constat identique peut être réalisé pour le Pays Bigouden. En revanche, l’absence de tombes à couloir et la faiblesse d’habitats afférents dans le Pays Pagan et dans la zone comprise entre Concarneau et Quimperlé soulève la question de l’occupation de ces zones au Néolithique moyen. Deux hypothèses peuvent être formulées : soit ces zones ont effectivement peu été fréquentées au Néolithique moyen pour des raisons qu’il nous reste encore à déterminer, soit les habitats n’ont pas été décelés pour des raisons d’ordre taphonomique. Par exemple, plusieurs stations littorales ont pu être englouties lors de la remontée du niveau marin. A ce propos, rappelons que le seul habitat du Pays Pagan présentant une phase d’occupation rattachable de manière irréfutable au Néolithique moyen (fragment de coupe à socle) a été repéré sur l’estran du Curnic à Guissény (Giot et al., 1965).
Recherches
sur les matériaux servant au façonnage d’objets polis
Les travaux effectués successivement par P.-R. Giot, J. Cogné et C.-T. Le Roux depuis un demi-siècle sur la pétrographie des objets polis en Armorique ont montré que l’est de la Cornouaille présente quelques originalités. Contrairement à la majorité de la Bretagne, la production en méta-dolérite de type A trouve des concurrents sérieux avec l’existence d’une production de haches polies dans un matériau nommé méta-dolérite de type B qui diffuse sur l’ensemble de la zone et une proportion non négligeable d’objets en fibrolite curieusement confinée à la commune de Trégunc (Le Roux, 1999).
Bien qu’ils ne soient pas localisés précisément, les prospections couplées aux analyses pétrographiques s’accordent pour situer les filons de méta-dolérite de type B dans la partie sud des Montagnes Noires aux confins des trois départements bas bretons (Le Roux, 1990). Les ateliers ayant produit ces haches polies demeurent inconnus. Un des buts des prochains séminaires pourrait consister à se lancer à leur recherche.
La commune de Trégunc qui a longtemps été prospectée par Y. Le Moal se différencie de ses voisines par une utilisation plus forte de la fibrolite. La forte représentation de ce minéral ainsi que la découverte sur des communes voisines de deux blocs imposants (Kerandon Lanriec en Concarneau, Roussica à Melgven) présentant des traces de sciage laisse penser à l’existence de gisements proches. Malgré des prospections allant dans ce sens, aucun gisement de fibrolite n’a pu être reconnu pour encore dans la zone concernée. En se basant sur l’expérience acquise ces dernières années dans le repérage de gisements dans le Bas-Léon, il faut indiquer que les gîtes peuvent être d’une superficie limitée et par conséquent très difficiles à repérer. Une des solutions pour pallier à ce problème consisterait à cartographier le plus finement possible l’ensemble des trouvailles de lames polies en fibrolite de la zone. La carte de répartition pouvant ensuite servir de point d’ancrage pour les prospections futures. Par ailleurs, les analyses minéralogiques en matière de fibrolite restent largement insuffisantes, malgré les travaux prometteurs de M. Guiavarc’h malheureusement restés sans suite. Des travaux précis sur la définition des différents faciès de ce minéral permettraient sans doute de lever un coin du voile sur l’origine de certains objets. En effet, M. Scoazec nous a présenté un fragment d’une hachette ou d’un ciseau poli brisé longitudinalement qu’il a découvert en coupe de falaise à Corn Paou, près du village de Kerdalé (Trégunc). Le matériau tant par son aspect en fibres allongées, ses dimensions qui impliquent l’utilisation d’une plaquette et par sa couleur gris noir fait immanquablement penser aux productions de l’atelier de la presqu’île de Kermorvan au Conquet (Nord du Finistère) et aux quelques pièces provenant du paléosol de la Table des Marchand (Locmariaquer) mais pour lesquelles on ne connaît toujours pas l’origine. Si une diffusion depuis le Finistère n’est pas à rejeter, on peut aussi se demander si l’absence de ce type d’objets, que l’on pourrait nommer micro-outillage poli, dans les ramassages de surface n’est pas lié au fait que personne ne s’y est pour encore intéressé dans la région.
Orientations
bibliographiques
Gachina J., Gomez J. et Coffyn A., 1975. Supplément à l’inventaire des instruments perforés pour les départements de Charente, Charente-Maritime et Gironde, Bulletin de la Société Préhistorique Française, 72, p. 368-381.
Giot P.-R., Cogné J., 1955. Etude pétrographique des haches polies de Bretagne, IV, Les haches de combat en métahornblendite, Bulletin de la Société Préhistorique Française, t. 52, p. 401-409.
Giot P.-R., L’Helgouach J., Briard J., avec le concours de Talec L., Le Roux C.-T., Onnée Y., Van Zeist W., 1965. Le site du Curnic en Guissény (Finistère), Annales de Bretagne, 72, 1, p. 49-70.
Le Roux C.-T., 1990. La pétro-archéologie des haches polies armoricaines, 40 ans après, Revue Archéologique de l’Ouest, suppl. n°2, p. 345-353.
Le Roux C.-T., 1999. L’outillage de pierre polie en méta-dolérite de type A. Les ateliers de Plussulien (Côtes d’Armor) : production et diffusion au Néolithique dans la France de l’ouest et au-delà, Travaux du Laboratoire « Anthropologie, Préhistoire et Quaternaire Armoricains », n° 43, UMR 6566 « Civilisations atlantiques et archéosciences », Université de Rennes I.
Sparfel Y., 2002. Géographie des sites funéraires du Néolithique à l’Age du Bronze moyen, les exemples du nord-ouest du Léon et du Pays Bigouden, mémoire de DEA, 2 vol., UBO (Brest).