Bulletin n°24 1992-1993 |
L'ECOMUSEE DE
L'ILE DE GROIX COLLECTIONS,
NOUVELLES ACTIVITES ET PROJETS
Sylvie San
Quirce Conservateur
de l'Ecomusée de l'Ile de Groix
LES COLLECTIONS PERMANENTES
Le paléolithique inférieur est représenté par une paire de
bifaces en quartzite trouvée à Port Morvil.
Pour le mésolithique, Alain Le Guen a fait don d'une belle série
de triangles scalènes, pointes à bords abattus, fragments de
lamelles, éclats à troncature et perçoirs, armatures en silex. Un
étudiant, Grégor Marchand, a fait récemment sa maîtrise sur le mésolithique
ancien et moyen dans le sud de la Bretagne, dont un exemplaire se
trouve à la bibliothèque du musée, et il publie le résultat de ses
recherches sur Groix dans le premier numéro de la revue "Les
Cahiers de l'Ile de Groix" qui vient de paraître.
Le néolithique comporte une série de haches polies trouvées
par Le Pontois en divers endroits de l'île, 2 lissoirs à poterie, 1
peson de fusaïole, 1 poignard du Grand Pressigny, 1 grattoir et 1
tesson, provenant tous également des collections Le Pontois et Du
Chatellier, et tous mis en dépôt par le Musée des Antiquités
Nationales de Saint Germain en Laye. Madame Catherine Louboutin doit
passer à Rennes et remettre au Service Régional de l'Archéologie
des vases de cette période destinés à l'Ecomusée, de même
origine.
Pour l'âge du bronze, nous conservons au musée celle que les
Groisillons surnomment la "grand-mère", squelette de jeune
femme trouvé dans une sépulture à coffre en 1969 à Port-Mélite,
site riche en vestiges du néolithique jusqu'au début de la période
romaine. Cette tombe, bien que bouleversée avant sa découverte,
gardait cependant une perle de fritte de verre annelée d'un type répandu
sur le littoral breton et dans le Sussex. D'autres sépultures à
coffre devaient exister dans les environs, comme en témoigne l'un des
carnets de route de Le Pontois conservés à la Société Polymathique.
Le musée présente aussi quelques haches en bronze, pour la plupart
des fac-similés de la cachette de fondeur de Men er Stang, faisant
partie de la collection de la Polymathique.
L'âge du fer confirme à Groix les rapports entre les îles
britanniques et l'Armorique, grâce au site-clé du camp de Kervédan
(sa maquette est exposée au musée), de par son type de fortification
en éperon barré, l'habitat semi-circulaire qui y fut découvert par
Leslie Murray-Threipland en 1939, et peut-être également sa poterie
striée.
La période romaine n'est pas
encore présente dans les vitrines du musée, mais va bientôt l'être
grâce à un tesson de sigillée trouvé en haut de Port Tudy, et une
monnaie des IIe ou IIIe siècle, envoyée à identifier auprès d'un
numismate du Service Régional de l'Archéologie[1].
Pour le haut moyen-âge, afin de mieux représenter le site
viking de Groix (sépulture du Xe siècle), des moulages ont été
faits l'année dernière sur divers objets du M.A.N. (éléments de
jeu de société, queue de dragon, bouterolle de fourreau d'épée ornée,
lance, pierre à aiguiser). Madame Riskine a mis en dépôt à Groix
des fragments de rivets de la barque, qui faisait 14 m de long.
L'essentiel des collections du musée porte en fait sur la
civilisation de cette communauté insulaire aux XIXe et XXe siècles.
Ethnologie
La pêche est le point fort des collections puisque Groix fut
le premier port français d'armement au thon depuis 1870 jusque vers
1935/40.
A travers des maquettes, objets de la vie quotidienne et
photographies, on peut retracer l'évolution qui, depuis les petites
chaloupes creuses de 4 ou 5 tonneaux du XVIIIe siècle et du début du
XIXe servant à pêcher les sardines dans les courreaux de Belle-Ile,
amena les Groisillons à tenter l'aventure de la pêche au large au
chalut et au thon, à bord de robustes chaloupes pontées, elles-mêmes
progressivement transformées en dundees à partir de l'aventure de la
Sidonie en 1883.
La sardine ne fut plus que l'occasion d'une contrebande
fructueuse. L'année dernière, un espace "petites pêches"
a été créé auprès de l'espace sauvetage, afin de montrer l'extrême
variété des techniques employées par les pêcheurs qui subsistaient
ainsi entre deux campagnes de thon ou pendant leur retraite, certains
en faisant un métier à part entière. Une exposition temporaire
prolonge actuellement cette présentation.
L'espace sauvetage, ouvert au public en 1990, retrace
l'histoire de la station de Groix et des techniques employées, depuis
sa création en 1866. Sa pièce maîtresse est le Grusseinheim-Alsace,
bateau de sauvetage de 1950.
Près de l'escalier de l'étage sont regroupés des documents
et un diorama de l'évolution de Port-Tudy, parallèle à celle de
l'essor thonier, à côté des vitrines où sont exposées les différentes
activités navales.
A l'étage, la vie quotidienne du Groisillon, de l'enfance à
la mort, ainsi que les principaux lieux de sociabilité, sont présentés.
Le bistrot-épicerie en était un endroit-clé, et la présentation de
celui-ci est en cours d'achèvement. Depuis 1991 est aménagée une
vitrine consacrée à Jean-Pierre Calloch, le poête groisillon défenseur
de la langue bretonne.
En 1989 a été créé un centre pédagogique à l'Ecomusée,
qui propose des visites guidées et des ateliers-jeux (matelotage
traditionnel, maquettes de chaloupes et dundees groisillons, costumes
groisillons), et bientôt une version totalement remaniée du jeu de
Groix, un jeu de thoniers, un jeu de piste, un jeu des familles basé
sur les collections du musée.
Surtout, des programmes complets et cohérents sont proposés
aux enseignants et en concertation avec eux dans le cadre de
classes-patrimoine et de classes-découverte, sur des thèmes au choix
: poissons et petites pêches, le marin-pêcheur dans son cadre de
vie, la pêche au thon, les phares, sémaphores et le sauvetage en
mer, etc... Des compléments peuvent être apportés par des
animations sur le patrimoine naturel et l'archéologie, comme c'est
souvent le cas. Par exemple, une classe-patrimoine de jeunes handicapés
de Kerpape, outre des animations sur la pêche et l'habitat, a pu
faire une visite des sites archéologiques à Port-Mélite, complétant
ainsi celle des vitrines du musée, et assister à une démonstration
de taille du silex par Olivier Kayser, alors de passage sur l'île.
Les intervenants sont divers ; outre le personnel du musée, et de
vieux Groisillons qui se prêtent de bonne grâce aux enquêtes orales
et participent à des ateliers comme ceux de
matelotage ou de gréement de lignes traditionnels, on fait
venir des intervenants extérieurs, comme Christophe Métayer,
professeur de l'Ecole des Beaux Arts de Lorient, qui prépare des
ateliers d'arts plastiques à l'usage des élèves pour les thèmes
choisis.
L'archéologie pourrait être davantage exploitée,
pouvant également servir
à des dessins et modelages avec M. Métayer, mais se heurte au manque
de disponibilité des intervenants extérieurs spécialisés, et il
serait nécessaire d'en trouver qui soient basés plus près de Groix.
Ces programmes ne sont pas seulement proposés dans le cadre de
classes transplantées qui viennent passer une semaine sur l'île,
mais aussi désormais ils serviront cette année aux école primaires
de Groix, étalés sur plusieurs mois, sous forme d'ateliers de
pratiques artistiques et culturelles ; jusqu'alors, en effet, l'Ecomusée
leur avait proposé seulement des animations ponctuelles.
L'Ecomusée participe également à des animations dans un
cadre plus large, avec les fêtes de la mer et bénédictions des
bateaux à Groix, le mois des musées l'année dernière ; et cette
année à la première journée du patrimoine industriel en Bretagne,
le 17 octobre. Au programme de cette journée : l'après-midi, une
visite guidée des trois sites qui subsistent des anciennes
conserveries de l'île, en commençant par l'Ecomusée, ancienne
conserverie Romieux puis Dandicolle et Gaudin, plus la conserverie
Lecointre (actuellement entreprise Del Din), et enfin l'usine Jégo à
Jeunesse et Marine, visites guidées en partie par un étudiant qui
travaille sur leur architecture, M. Robert, en partie pour les deux
premiers sites, par un ancien gérant d'usine doué d'une mémoire
encyclopédique, Fidèle Tonnerre, et à Port-Lay par Pauline Modicom,
ancienne ouvrière ; l'après-midi, café et biscuits pris en commun
à Jeunesse et marine. Cette journée a fait l'objet d'une grande
publicité : invitations personnelles envoyées aux anciennes ouvrières
des cinq usines de Groix, affiches posées à Groix et Lorient,
annonces dans la presse et dans le bulletin municipal, et avec la
section "La Mer et les Hommes" de l'Institut Culturel de
Bretagne, montage d'une petite exposition itinérante sur les
conserveries.
Par ailleurs, toujours au titre des animations, mais aussi de
la conservation du
patrimoine groisillon, l'Ecomusée a acheté en 1985 le cotre Kénavo,
entièrement restauré en 1989, et a reçu en don fin 1990 le
misainier motorisé la Mouette,
construit à Groix par le charpentier Henri Yvon, et qui fut restauré
en juillet 1991 à la Maison d'Arrêt de Ploemeur par de jeunes détenus
dont il encadrait le stage de réinsertion. Ces deux bateaux sont
actuellement désarmés pour l'hiver ; ils seront réarmés au
printemps, la Mouette avec Maurice Trocmé, ancien patron de pêche,
faisant des sorties de pêche côtière généralement à partir de
Locmaria, et le Kénavo des sorties de découverte de l'île à partir
de Port-Tudy. Ces deux bateaux ont déjà participé aux
classes-patrimoine de l'Ecomusée.
Une fête de lancement a été organisée, au cours de laquelle
le premier numéro a été mis en vente. Celui-ci sera mis également
en dépôt-vente sur le continent, à Lorient et dans les librairies
spécialisées des grandes villes
Cette exposition mettra en rapport des cartes de l'île,
depuis le XVIIe siècle jusqu'à nos jours, provenant de collections
du musée, mais aussi d'archives et bibliothèques, des photographies
aériennes de l'I.G.N. de l'après-guerre, etc... avec l'évolution du
paysage de l'île. Des animations sont prévues pour sensibiliser à
la préservation du patrimoine en plein-air de l'île et en même
temps le faire découvrir. Le C.A.U.E.[2],
avec M. Jobert, est prêt à participer en ce qui concerne l'habitat,
ainsi que d'autres personnes, en particulier une étudiante qui a
travaillé sur les normes à respecter en cas de restauration de
l'habitat groisillon ou construction nouvelle. Un exposé sur la
cartographie sera fait par un spécialiste, peut-être également une
visite guidée des fortifications de la deuxième guerre mondiale par
un chercheur qui travaille depuis un certain temps sur la question. En
ce qui concerne l'archéologie, je dois trouver des personnes
disponibles pour faire soit une conférence, soit une visite sur le
terrain, ou une séance d'exercices d'identification du matériel, le
tout devant être accompagné de rappels de la législation en vigueur
interdisant les fouilles pirates, la nécessité de prévenir le musée
ou le Service Régional de l'Archéologie en cas de découverte,
etc... L'idéal serait de proposer une démonstration d'identification
supplémentaire spécialement destinée au personnel des services
techniques de la Mairie, et à celui des entreprises en bâtiment de
l'île.
On peut donc espérer que l'extension des aires d'activité de
l'Ecomusée contribuera, tout en enrichissant son rôle de service
public, à le faire mieux connaître, ainsi que l'île, grâce à la
collaboration de toutes les personnes de bonne volonté. Sylvie San
Quirce Conservateur
de l'Ecomusée de l'Ile de Groix Conférence
S.A.H.P.L. du 3 octobre 1992 Note : Concernant le mésolithique à Groix, le lecteur
pourra utilement se reporter aux articles parus dans les bulletins de
la Société Lorientaise d'Archéologie de 1976 (pages 12 à 16), et
de 1979 (pages 38 à 41), sous la signature de A.
LE GUEN.
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