Rechercher      Page précédente    Accueil      Plan du site

 

Bulletin n°24 1992-1993

 

 

 

 

L'ECOMUSEE DE L'ILE DE GROIX

COLLECTIONS, NOUVELLES ACTIVITES ET PROJETS

 

 

Sylvie San Quirce

Conservateur de l'Ecomusée de l'Ile de Groix  

 

 

 

 INTRODUCTION

     L'Ecomusée de l'Ile de Groix, ouvert au public en juillet 1984, s'est progressivement enrichi et développé depuis. Il a aussi monté, depuis 1989, toute une série d'activités d'animation et vient de lancer une revue d'études et de recherches sur le patrimoine de l'île intitulée "Les Cahiers de l'Ile de Groix". L'année prochaine, l'action du musée sera dirigée principalement vers le patrimoine de l'île en plein-air, à la fois à travers de nouveaux jeux pédagogiques et une exposition orientée sur l'histoire du paysage, qui sera accompagnée de conférences et de visites sur le terrain, et concernera, en parallèle avec l'histoire de la cartographie de l'île, le passé archéologique, les fortifications, l'évolution du paysage agricole et de l'habitat.


LES COLLECTIONS PERMANENTES

      Archéologie

     Les collections archéologiques ne sont pas très riches et attendent de nouvelles campagnes de fouilles ou des donations.

     Le paléolithique inférieur est représenté par une paire de bifaces en quartzite trouvée à Port Morvil.

     Pour le mésolithique, Alain Le Guen a fait don d'une belle série de triangles scalènes, pointes à bords abattus, fragments de lamelles, éclats à troncature et perçoirs, armatures en silex. Un étudiant, Grégor Marchand, a fait récemment sa maîtrise sur le mésolithique ancien et moyen dans le sud de la Bretagne, dont un exemplaire se trouve à la bibliothèque du musée, et il publie le résultat de ses recherches sur Groix dans le premier numéro de la revue "Les Cahiers de l'Ile de Groix" qui vient de paraître.

     Le néolithique comporte une série de haches polies trouvées par Le Pontois en divers endroits de l'île, 2 lissoirs à poterie, 1 peson de fusaïole, 1 poignard du Grand Pressigny, 1 grattoir et 1 tesson, provenant tous également des collections Le Pontois et Du Chatellier, et tous mis en dépôt par le Musée des Antiquités Nationales de Saint Germain en Laye. Madame Catherine Louboutin doit passer à Rennes et remettre au Service Régional de l'Archéologie des vases de cette période destinés à l'Ecomusée, de même origine.

     Pour l'âge du bronze, nous conservons au musée celle que les Groisillons surnomment la "grand-mère", squelette de jeune femme trouvé dans une sépulture à coffre en 1969 à Port-Mélite, site riche en vestiges du néolithique jusqu'au début de la période romaine. Cette tombe, bien que bouleversée avant sa découverte, gardait cependant une perle de fritte de verre annelée d'un type répandu sur le littoral breton et dans le Sussex. D'autres sépultures à coffre devaient exister dans les environs, comme en témoigne l'un des carnets de route de Le Pontois conservés à la Société Polymathique. Le musée présente aussi quelques haches en bronze, pour la plupart des fac-similés de la cachette de fondeur de Men er Stang, faisant partie de la collection de la Polymathique.

     L'âge du fer confirme à Groix les rapports entre les îles britanniques et l'Armorique, grâce au site-clé du camp de Kervédan (sa maquette est exposée au musée), de par son type de fortification en éperon barré, l'habitat semi-circulaire qui y fut découvert par Leslie Murray-Threipland en 1939, et peut-être également sa poterie striée.

 

        La période romaine n'est pas encore présente dans les vitrines du musée, mais va bientôt l'être grâce à un tesson de sigillée trouvé en haut de Port Tudy, et une monnaie des IIe ou IIIe siècle, envoyée à identifier auprès d'un numismate du Service Régional de l'Archéologie[1].

     Pour le haut moyen-âge, afin de mieux représenter le site viking de Groix (sépulture du Xe siècle), des moulages ont été faits l'année dernière sur divers objets du M.A.N. (éléments de jeu de société, queue de dragon, bouterolle de fourreau d'épée ornée, lance, pierre à aiguiser). Madame Riskine a mis en dépôt à Groix des fragments de rivets de la barque, qui faisait 14 m de long.

      Vitrines historiques

      Les éléments, peu nombreux, qui ont pu être présentés pour retracer l'histoire de l'île depuis le haut moyen-âge jusqu'au XVIIIe siècle, consistent principalement en des témoignages d'archives, qui permettent, en particulier, de saisir l'évolution des villages et chapelles pendant cette période, les aléas que subit l'île au temps des guerres de Louis XIV, et les étapes successives de fortification de ses côtes, afin de protéger les vaisseaux de la Compagnie des Indes.

     L'essentiel des collections du musée porte en fait sur la civilisation de cette communauté insulaire aux XIXe et XXe siècles.

     Ethnologie

      L'agriculture était le fait des femmes qui restaient à terre, aidées par leurs enfants, et par les hommes quand ils rentraient de campagne. La pratique de la culture en "sillon", remontant au moins au bas moyen-âge, se retrouve encore dans certains coins de l'île restés en friche depuis le remembrement de 1955, où l'on voit toujours des sillons fossiles, bandes de terre à dos bombé, séparées par des fossés à fond rond qui drainaient l'eau en cas de pluie. La gamme des outils agricoles (plantoir à pomme de terre, fléau, etc...), la civière et le croc à goémon-fumier, l'élevage et le traitement des produits dérivés sont présentés ici.  

     La pêche est le point fort des collections puisque Groix fut le premier port français d'armement au thon depuis 1870 jusque vers 1935/40.

     A travers des maquettes, objets de la vie quotidienne et photographies, on peut retracer l'évolution qui, depuis les petites chaloupes creuses de 4 ou 5 tonneaux du XVIIIe siècle et du début du XIXe servant à pêcher les sardines dans les courreaux de Belle-Ile, amena les Groisillons à tenter l'aventure de la pêche au large au chalut et au thon, à bord de robustes chaloupes pontées, elles-mêmes progressivement transformées en dundees à partir de l'aventure de la Sidonie en 1883.

     La sardine ne fut plus que l'occasion d'une contrebande fructueuse. L'année dernière, un espace "petites pêches" a été créé auprès de l'espace sauvetage, afin de montrer l'extrême variété des techniques employées par les pêcheurs qui subsistaient ainsi entre deux campagnes de thon ou pendant leur retraite, certains en faisant un métier à part entière. Une exposition temporaire prolonge actuellement cette présentation.

     L'espace sauvetage, ouvert au public en 1990, retrace l'histoire de la station de Groix et des techniques employées, depuis sa création en 1866. Sa pièce maîtresse est le Grusseinheim-Alsace, bateau de sauvetage de 1950.

     Près de l'escalier de l'étage sont regroupés des documents et un diorama de l'évolution de Port-Tudy, parallèle à celle de l'essor thonier, à côté des vitrines où sont exposées les différentes activités navales.  

     A l'étage, la vie quotidienne du Groisillon, de l'enfance à la mort, ainsi que les principaux lieux de sociabilité, sont présentés. Le bistrot-épicerie en était un endroit-clé, et la présentation de celui-ci est en cours d'achèvement. Depuis 1991 est aménagée une vitrine consacrée à Jean-Pierre Calloch, le poête groisillon défenseur de la langue bretonne.

 LES ACTIVITES PEDAGOGIQUES

     En 1989 a été créé un centre pédagogique à l'Ecomusée, qui propose des visites guidées et des ateliers-jeux (matelotage traditionnel, maquettes de chaloupes et dundees groisillons, costumes groisillons), et bientôt une version totalement remaniée du jeu de Groix, un jeu de thoniers, un jeu de piste, un jeu des familles basé sur les collections du musée.

     Surtout, des programmes complets et cohérents sont proposés aux enseignants et en concertation avec eux dans le cadre de classes-patrimoine et de classes-découverte, sur des thèmes au choix : poissons et petites pêches, le marin-pêcheur dans son cadre de vie, la pêche au thon, les phares, sémaphores et le sauvetage en mer, etc... Des compléments peuvent être apportés par des animations sur le patrimoine naturel et l'archéologie, comme c'est souvent le cas. Par exemple, une classe-patrimoine de jeunes handicapés de Kerpape, outre des animations sur la pêche et l'habitat, a pu faire une visite des sites archéologiques à Port-Mélite, complétant ainsi celle des vitrines du musée, et assister à une démonstration de taille du silex par Olivier Kayser, alors de passage sur l'île. Les intervenants sont divers ; outre le personnel du musée, et de vieux Groisillons qui se prêtent de bonne grâce aux enquêtes orales et participent à des ateliers comme ceux de  matelotage ou de gréement de lignes traditionnels, on fait venir des intervenants extérieurs, comme Christophe Métayer, professeur de l'Ecole des Beaux Arts de Lorient, qui prépare des ateliers d'arts plastiques à l'usage des élèves pour les thèmes choisis.

      L'archéologie pourrait être davantage exploitée,  pouvant également  servir à des dessins et modelages avec M. Métayer, mais se heurte au manque de disponibilité des intervenants extérieurs spécialisés, et il serait nécessaire d'en trouver qui soient basés plus près de Groix.

     Ces programmes ne sont pas seulement proposés dans le cadre de classes transplantées qui viennent passer une semaine sur l'île, mais aussi désormais ils serviront cette année aux école primaires de Groix, étalés sur plusieurs mois, sous forme d'ateliers de pratiques artistiques et culturelles ; jusqu'alors, en effet, l'Ecomusée leur avait proposé seulement des animations ponctuelles.

     L'Ecomusée participe également à des animations dans un cadre plus large, avec les fêtes de la mer et bénédictions des bateaux à Groix, le mois des musées l'année dernière ; et cette année à la première journée du patrimoine industriel en Bretagne, le 17 octobre. Au programme de cette journée : l'après-midi, une visite guidée des trois sites qui subsistent des anciennes conserveries de l'île, en commençant par l'Ecomusée, ancienne conserverie Romieux puis Dandicolle et Gaudin, plus la conserverie Lecointre (actuellement entreprise Del Din), et enfin l'usine Jégo à Jeunesse et Marine, visites guidées en partie par un étudiant qui travaille sur leur architecture, M. Robert, en partie pour les deux premiers sites, par un ancien gérant d'usine doué d'une mémoire encyclopédique, Fidèle Tonnerre, et à Port-Lay par Pauline Modicom, ancienne ouvrière ; l'après-midi, café et biscuits pris en commun à Jeunesse et marine. Cette journée a fait l'objet d'une grande publicité : invitations personnelles envoyées aux anciennes ouvrières des cinq usines de Groix, affiches posées à Groix et Lorient, annonces dans la presse et dans le bulletin municipal, et avec la section "La Mer et les Hommes" de l'Institut Culturel de Bretagne, montage d'une petite exposition itinérante sur les conserveries.

     Par ailleurs, toujours au titre des animations, mais aussi de la  conservation du patrimoine groisillon, l'Ecomusée a acheté en 1985 le cotre Kénavo, entièrement restauré en 1989, et a reçu en don fin 1990 le misainier motorisé la  Mouette, construit à Groix par le charpentier Henri Yvon, et qui fut restauré en juillet 1991 à la Maison d'Arrêt de Ploemeur par de jeunes détenus dont il encadrait le stage de réinsertion. Ces deux bateaux sont actuellement désarmés pour l'hiver ; ils seront réarmés au printemps, la Mouette avec Maurice Trocmé, ancien patron de pêche, faisant des sorties de pêche côtière généralement à partir de Locmaria, et le Kénavo des sorties de découverte de l'île à partir de Port-Tudy. Ces deux bateaux ont déjà participé aux classes-patrimoine de l'Ecomusée.

 NOUVEAUX PROJETS

      Une nouvelle revue "Les Cahiers de l'Ile de Groix", est actuellement en cours d'impression, éditée par l'Ecomusée et sa nouvelle association de soutien. Cette revue reprend l'esprit des anciens cahiers groisillons, mais avec une meilleure mise en page, des photographies, et surtout de la quadrichromie, ici utilisée pour les très belles planches aquarellées de costumes groisillons illustrant l'article de Chantal Bellec. Les autres articles sont axés sur le mésolithique, les presses à sardine, l'armement groisillon à la fin du XIXe siècle, la pêche à la vieille autrefois (témoignage d'un vieux Groisillon expert en la matière). Les recherches d'étudiants en maîtrise ou en doctorat formant la plupart des articles , ils ont ainsi l'occasion de diffuser des travaux qu'ils entreprennent en liaison avec l'Ecomusée, et qui resteraient autrement confidentiels.

     Une fête de lancement a été organisée, au cours de laquelle le premier numéro a été mis en vente. Celui-ci sera mis également en dépôt-vente sur le continent, à Lorient et dans les librairies spécialisées des grandes villes

      Exposition "Cartographie et histoire du paysage de l'île de Groix"

     Cette exposition mettra en rapport des cartes de l'île, depuis le XVIIe siècle jusqu'à nos jours, provenant de collections du musée, mais aussi d'archives et bibliothèques, des photographies aériennes de l'I.G.N. de l'après-guerre, etc... avec l'évolution du paysage de l'île. Des animations sont prévues pour sensibiliser à la préservation du patrimoine en plein-air de l'île et en même temps le faire découvrir. Le C.A.U.E.[2], avec M. Jobert, est prêt à participer en ce qui concerne l'habitat, ainsi que d'autres personnes, en particulier une étudiante qui a travaillé sur les normes à respecter en cas de restauration de l'habitat groisillon ou construction nouvelle. Un exposé sur la cartographie sera fait par un spécialiste, peut-être également une visite guidée des fortifications de la deuxième guerre mondiale par un chercheur qui travaille depuis un certain temps sur la question. En ce qui concerne l'archéologie, je dois trouver des personnes disponibles pour faire soit une conférence, soit une visite sur le terrain, ou une séance d'exercices d'identification du matériel, le tout devant être accompagné de rappels de la législation en vigueur interdisant les fouilles pirates, la nécessité de prévenir le musée ou le Service Régional de l'Archéologie en cas de découverte, etc... L'idéal serait de proposer une démonstration d'identification supplémentaire spécialement destinée au personnel des services techniques de la Mairie, et à celui des entreprises en bâtiment de l'île.

      L'ensemble de ces manifestations devrait se dérouler à partir du printemps et pendant l'été. L'Ecomusée, en coopération avec l'office du tourisme, propose également des visites guidées du patrimoine de l'île, tandis qu'au musée même les enfants pourront se remémorer ce qu'ils ont vu sur l'île grâce au jeu de Groix, ou partir à la découverte en famille ou en groupe à l'aide du jeu de piste.

     On peut donc espérer que l'extension des aires d'activité de l'Ecomusée contribuera, tout en enrichissant son rôle de service public, à le faire mieux connaître, ainsi que l'île, grâce à la collaboration de toutes les personnes de bonne volonté.

   

Sylvie San Quirce

Conservateur de l'Ecomusée de l'Ile de Groix

Conférence S.A.H.P.L. du 3 octobre 1992

 

Note : Concernant le mésolithique à Groix, le lecteur pourra utilement se reporter aux articles parus dans les bulletins de la Société Lorientaise d'Archéologie de 1976 (pages 12 à 16), et de 1979 (pages 38 à 41), sous la signature de  A. LE GUEN.


[1] Après vérification, il s'agit d'un sesterce de Marc Aurèle

[2] C.A.U.E. : Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement