Quimerc’h
- Bannalec CHARLES-BONAVENTURE-MARIE
du BREIL MARQUIS
de RAYS et L'affaire
de Port-Breton Colonie
libre de la Nouvelle-France Yves Cocoual
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La réédition
d’un ouvrage consacré à l’affaire de Port-Breton[1] a
relancé l’intérêt que l’on pouvait porter à ce personnage du
marquis de Rays[2],
dernier héritier du château de Quimerc’h reconstruit en 1828,
à Bannalec, et son projet malheureux de création d’une
colonie libre en Océanie en 1879. A la fin du XIXe et au début
du XXe, une abondante littérature relate les épisodes
tragiques de l’aventure, et les procès qui ont clos le dernier ont
largement occupé les colonnes des journaux à l’époque. Journaux
dont les opinions tranchées en faveur des accusés ou soutenant
l’accusation reflètent assez bien la situation politique du moment et
l’état d’une opinion partagée entre conservateurs cléricaux et
progressistes laïques, entre royalistes légitimistes et républicains.
Car c’est bien ce qui est en toile de fond dans cette histoire et est
peut-être à l’origine des déboires du marquis qui finit accusé
puis condamné pour escroquerie, l’accusation d’homicides ayant été
abandonnée. C’est aussi là un autre problème car les auteurs comme
les journalistes restent rarement neutres et leurs récits portent assez
nettement la marque de leur soutien ou de leur réprobation, le marquis
étant présenté par les uns comme un idéaliste « animé d’un
pur amour pour la France, sa patrie bien-aimée, [qui] cherche
à faciliter à ses compatriotes la liberté d’expansion et de foi [3]»
quand d’autres ne voient en lui qu’un escroc dont l’unique intérêt
était l’argent et qui a abusé des gens naïfs ou trop crédules. Les Anglais[4]
(et les Hollandais ?) présents dans les parages océaniens ont
parfois été mêlés aux tragiques mésaventures des colons qu’ils
ont secourus et les récits qu’ils en ont fait portent souvent une
condamnation sans appel du marquis et de son œuvre. Mais, intéressés
qu’ils étaient par les mêmes territoires « inoccupés »
à l’époque, il ne serait pas étonnant qu’ils aient un peu forcé
le trait pour ne pas encourager les futures tentatives françaises de
colonisation de ces contrées. George Brown écrit, page 366, qu’en ce
qui concerne la colonie, il est « presque certain qu’ils ne réussiront
jamais à en installer une comme celle que le Marquis de Rays désirait
à l’endroit qu’ils avaient choisi ici ; et tant qu’il ne
sera pas exercé un meilleur jugement pour la sélection des colons, ils
ne réussiront jamais nulle part. Les hommes sont de tous les pays et
n’ont aucun lien commun entre eux, et depuis le début ils semblent
n’avoir eu que peu d’intérêt pour l’affaire. Ils ont été bons
et bien élevés ici, et nous ont toujours montré le plus grand respect ;
mais il n’y a aucun esprit de
corps[5] entre
eux et c’est avec la plus grande difficulté que nous avons obtenu
qu’ils accordent l’attention nécessaire
aux malades ou à ceux qui mouraient parmi eux.» Pour tenter
d’avoir un point de vue un peu objectif, il nous faudrait le concours
de journalistes venus d’un pays d’une bienveillante neutralité
politique, dont la puissance maritime et le climat ne sauraient être
responsables d’une grande volonté colonisatrice. Un pays comme la
Suisse par exemple. Eh bien justement, dans le Jura helvétique, nous avons ce qu’il nous faut : « L’Impartial, Résumé des nouvelles et feuille d’annonces, paraissant à La Chaux-de-Fonds, tous les jours excepté le lundi », qui, les 13 et 14 juin 1883 rend compte du procès qui s’est ouvert le 12 devant la 8e chambre correctionnelle de la Seine, et résume en quelques colonnes précises toute cette incroyable aventure de la Colonie libre de Port-Breton, et dont voici la copie[6] :
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Bon nombre de nos lecteurs n'ont certainement pas oublié cette fameuse
affaire française, connue sous la dénomination d'« affaire de
Port-Breton», et dirigée par un certain marquis de Rays. C'était
hier, mardi, que devant la 8e chambre correctionnelle de la
Seine, les débats de cette grosse affaire d'escroquerie commençaient. L'instruction de
ce procès, qui a sûrement sa place marquée d'avance parmi les
causes célèbres, quel qu'en doive être le résultat, durait depuis
plus d'un an ; elle a abouti au renvoi en police correctionnelle de
douze inculpés, au premier rang desquels figure Charles-Bonaventure
du Breil, marquis de Rays, extradé d'Espagne, sur la demande du
gouvernement français. Rappelons, le
plus brièvement possible, l'œuvre de ce grand aventurier. En effet, en
juillet 1877, on pouvait lire dans divers journaux parisiens une
grande annonce donnant tous les détails de cette célèbre colonie
libre de Port-Breton (Océanie), dans l'archipel de la
Nouvelle-Bretagne, à proximité de la Nouvelle-Calédonie, sous la
direction du marquis de Rays, consul de Bolivie en France, et qui
avait pour objet de procurer des terres excellentes dans de bonnes
conditions de fermage à tous souscripteurs européens désireux de se
créer, sans aucun dérangement, une propriété foncière aux
colonies, en dehors de tous troubles et risques politiques...
«Voici la manière
dont nous voulons opérer, disait le marquis : Nous émettrons des
bons de terrains à 5 francs l'hectare. Ces terrains deviendront immédiatement
la propriété des souscripteurs et jouiront, pendant dix ans, de toute exemption d'impôts;
ils seront déterminés par le cadastre... Ils seront négociables comme
toute
autre valeur et jouiront d'une plus-value progressive et
proportionnelle au développement de la colonisation même. Tout
porteur de bons de terrains sera libre de vendre, suivant le code de
transmission fixé par le conseil colonial, et d'administrer et de gérer
sa propriété foncière soit directement, soit par tout intermédiaire
qui pourra lui convenir, aux conditions qu'il fixera lui-même.» Dans une conférence faite à Marseille au mois
d'avril 1879, de Rays précisait le caractère de son entreprise et
disait entre autres : « La pensée de notre colonie libre est née
du sentiment religieux et patriotique. » Puis, recherchant les moyens de créer le
capital nécessaire pour l'organisation de la colonie, il ajoutait (et
ces phrases, il faut les noter, car il veut en faire résulter la
preuve qu'aucune escroquerie ne peut lui être reprochée) : «Agissant absolument en dehors de toute
organisation industrielle et commerciale, nous devons considérer et
nous considérons, en effet, comme le produit de souscriptions
volontaires les fonds qui nous sont remis dans ces conditions spéciales,
quoique l'exécution de l'entreprise elle-même doive entraîner dans
notre pensée la réalisation d'une véritable fortune pour tous ses
adhérents... C'est à ceux qui, comme nous, croient au succès de
l'entreprise qu'il appartient d'accepter la valeur actuellement
fictive que tous ensemble nous accordons volontairement aux bons de
terrains émis. »
Fac-similé
d'un titre d'hectare L'original
est imprimé sur papier bleu clair et à l'encre bleue, il
mesure 20 centimètres de large et 12 centimètres de haut (Baudoin) Le conférencier insistait beaucoup sur le
caractère religieux et social de l'entreprise. Le programme était séduisant pour le public
spécial auquel de Rays s'adressait, mais à la
condition toutefois qu'on voulût bien ne pas se préoccuper de savoir
comment celui-ci pouvait disposer des terrains qu'il offrait en vente
et qu'il ne possédait pas. De Rays créa plusieurs bureaux destinés à les
recevoir : à Paris d'abord à Marseille ensuite, puis au Havre, à
Anvers, à Bruxelles ; enfin il y avait à Jersey le bureau des
archives. Grâce à l'activité des directeurs de bureaux,
les souscriptions abondaient. La première série, à 5 francs
l'hectare, avait atteint un demi-million ; la seconde, ouverte le 21
mai 1879, à 10 francs l'hectare (de Rays voulait profiter de
l'engouement du public), dura jusqu’au 25 décembre suivant, date à
laquelle fut inaugurée une troisième série à 20 francs l'hectare. Cette dernière était motivée par le départ
du Chandernagor, qui
portait à Port-Breton les premiers émigrants. Quoi qu'il en soit, l'expertise a constaté que
le total des recettes a été : 1° Au bureau de Paris, de 1 093 388 francs
sous la direction de Marq, et de 4 798 000 francs sous la
direction de Puydt, sur lesquels le marquis de Rays a touché environ
682 000 francs. Le surplus a été dépensé dans l'intérêt de l’œuvre,
mais surtout en frais de propagande. 2° Au bureau de Marseille, de 4 612 492
francs, sommes sur lesquelles de Rays a touché 926 600 francs.
L'emploi de 289 984 francs n'est pas justifié; 3° Au bureau du Havre, de 996 064 francs, dont
342 590 francs ont été remis à de Rays 4° Au bureau d'Anvers, de 78 065 francs, sur
lesquels de Rays a prélevé 45 280 francs Il n'a pas été possible de connaître les opérations
au bureau de Bruxelles ; l'expertise signale seulement un envoi de 45
000 francs fait par ce bureau à celui de Marseille. Soit, en tout, à peu près 9 millions de
francs. L'instruction a relevé de nombreux passages de
circulaires et d'articles du journal la Nouvelle
France, où « le caractère actuel et immédiat » de la
propriété acquise à Port-Breton est affirmé de la façon la plus
positive et la plus énergique.
Longtemps de Rays avait invoqué le droit d'occupation,
bien qu'il ne pût pas être le premier occupant de l'île, habitée
par des indigènes, et qu'en fait il ne l'occupât pas, mais le 29
septembre 1881, alors que depuis quatre ans déjà il faisait le
commerce des terrains, il fit acheter au roi des Canaques Maragano,
par l'intermédiaire du capitaine Rabardy, commandant du Génil,
qui venait de transporter des émigrants à Port-Breton, une
partie du territoire de la Nouvelle-Irlande et des îlots voisins,
pour le prix de 62 livres sterling ou 1 550 francs. Un acte
authentique fut même dressé, qui constate que le prix a été même
payé au vendeur. La vérité, c'est que Maragano n'a pas louché un
centime. On lui a tout simplement donné : deux paquets de tabac,
quelques perles et un costume écarlate, ce dont, du reste, il se
contenta parfaitement. Celle île, par sa configuration, par sa nature
géologique, par son climat, devait être rebelle à tout essai
d'exploitation agricole. Mais de Rays se souciait fort peu de tout
cela. Il menait joyeuse vie à Paris et à Barcelone et s'associait,
entre temps, avec l'une de ses maîtresses, pour exploiter une eau et
une poudre dentifrice de son invention. Il n'en conduisit pas moins ses opérations avec
une habileté consommée, et, pour faire croire à la prospérité
naissante de la colonie, il faisait recruter de pauvres gens qu'on
transportait là-bas sous le nom d'émigrants et provoquait la
fondation de « Sociétés d'exploitation de la Nouvelle-France ». L'affaire de Port-Breton (Suite) Les Sociétés d'exploitation Dans
toutes les publications ayant trait à l'Œuvre, la fertilité, la
richesse du sol de la Nouvelle-Irlande, l'excellence de son climat, étaient
vantés avec un lyrisme superbe. La Nouvelle
France, qui devait être «le moniteur exact, complet et
instructif de la colonie », faisait à cet égard une campagne
ardente. Elle ne négligeait rien pour inspirer aux adhérents une
confiance absolue. Ce journal était illustré. Or, ce fut un moyen de
plus pour tromper ceux qui le recevaient. C'est ainsi qu'on représentait
un jour: « L'entrevue du baron de la Croix et du roi Toméo »; un
autre jour: « Une culture à Port-Breton », toutes choses qui
n'avaient existé que dans l'imagination du dessinateur. Il publia même une carte de Port-Breton, où
l'on voyait figurer des maisons, une église, une route carrossable,
alors qu'il n'y avait à Port-Breton qu'une vague construction en
planches mal jointes, abritant à grand-peine les émigrants de l’India.
C'est après avoir ainsi préparé le terrain que de Rays songe
à donner une impulsion encore plus grande aux souscriptions, par la
fondation des « Sociétés d'exploitation ». Une première société fut fondée à Paris
pour l'exploitation d'une sucrerie, etc. Une seconde, sous le nom de
« Société des fermiers généraux de la Nouvelle-France », fut
fondée à Nantes. Le chef de cette Société, un nommé Poulain,
disparut un beau jour emportant la majeure partie du produit des
souscriptions, 541 000 francs environ. Puis on essaya de fonder au
Havre une société dite « Société franco-océanienne de commerce
et de navigation », au capital de 3 millions, divisé en 6 000
actions de 500 francs. Celte combinaison échoua piteusement. Pareil
échec attendait la fondation de la « Société franco-océanienne
des mines de la Nouvelle-France ».
Telle est l'histoire abrégée des Sociétés
d'exploitation de la Nouvelle-France. Ici se termine l'exposé des
faits qui, d'après la prévention, justifient la qualification de «gigantesque
escroquerie» qu'elle applique à l'œuvre du marquis de Rays. Mais de
Rays et quelques-uns de ses coprévenus ne sont pas seulement inculpés
d'escroquerie : ils ont encore à répondre de contraventions aux lois
sur l'émigration et d'homicides par imprudence. Il ne nous reste plus
qu'à résumer cette dernière partie de la prévention, la plus
triste certainement. Les émigrants Mais le gouvernement Français vint
malencontreusement déranger toutes ces combinaisons en interdisant
formellement aux agents d'émigration d'engager pour Port-Breton. Les
ministres de l'intérieur et de l'agriculture et du commerce, dès le
mois de juillet 1879, mirent par des circulaires le public en garde
contre l'entreprise. De Rays fut même poursuivi deux fois pour
infraction aux lois sur l'émigration, mais il eut la bonne fortune de
bénéficier d'une ordonnance de non-lieu, les faits ne paraissant pas
suffisamment caractérisés. Aujourd'hui la prévention s'appuie sur
un procès-verbal dressé au Havre en 1880 par le commissaire de l'émigration,
et constatant une contravention formelle à la loi. Traqué en France, de Rays transporta à
Barcelone son quartier général. C'est de là surtout qu'il dirigea
le service de l'émigration. Ceux qui étaient restés à Port-Breton furent
secourus par le missionnaire anglais Branel, qui fit transporter à l'île
Makata les quarante-quatre plus malades. Sur ces 89 émigrants, 27 sont morts et 21
disparus. L'expédition du Génil ne fut pas plus brillante: il y avait à bord 135 colons, mais
à chaque escale des désertions se produisirent. L'India,
parti de Barcelone, avait à son bord 329
personnes dont 250 Italiens. Ces deux expéditions ont coûté la vie
à 51 personnes. Enfin, la Nouvelle-France
partit de Barcelone le 7 mars 1881 emportant 150 colons. Mais
à Singapore le plus grand nombre avait appris l’issue désastreuse
des précédentes expéditions, abandonnèrent le vapeur. Le reste fut
débarqué à Port-Breton, puis recueilli et conduit à Marseille.
L'œuvre du marquis de Rays avait vécu, et
c'est en ces termes que le révérend Rooney, chef de !a mission
anglicane des îles du Duc d'York, en a prononcé l'oraison funèbre : « Je visitai, a-t-il écrit, la scène des
dernières expériences de colonisation du marquis de Rays, à
Port-Breton, situé à l'extrémité sud-ouest de la Nouvelle-Irlande.
Partis le 19 juin 1882, nous mouillâmes à Port-Breton le matin
suivant. Nous trouvâmes une grande baraque vide, les ruines de deux
maisons privées et quelques sépultures, avec une petite clairière
le long de la plage déjà couverte d'une épaisse végétation
tropicale. C'est là tout ce qui reste de la colonie libre de
Port-Breton dont l'établissement a, paraît-il, coûté bien des
millions, sans parler de la misère endurée par beaucoup de
malheureux colons et du nombre de vies qui ont été sacrifiées. Il
était impossible de choisir pour une colonie un endroit plus défavorable.
Il ne reste maintenant sur ce rivage abandonné d'autre vestige du
passage des hommes qu'un cimetière où reposent les corps de
soixante-dix colons.» 1°
Charles-Bonaventure du Breil, se disant marquis de Rays, propriétaire,
cinquante ans, détenu ; 2°
Émile-Jean-Marie-Joseph Sumien[7], quarante-trois ans, sans profession,
demeurant à Marseille, détenu; 3°
Joseph-Jacques-Léon Roubaud, cinquante-quatre ans, notaire honoraire
à Marseille, libre. 4°
Stephen Auxcousteaux, soixante-neuf ans, ancien commissaire de l'émigration,
au Havre, libre ; 5°
Lucien-Pierre de Puydt, soixante-cinq ans, ingénieur civil à Paris,
libre ; 6°
Jules-Auguste Le Prévost, quarante-sept ans, capitaine au long cours,
à Paris, libre ; 7°
Jean Poulain, trente-sept ans, armateur, ayant demeuré en dernier
lieu à Nantes, en fuite; 8°
Raymond Chambaud, trente-neuf ans, ancien notaire, sans domicile ni résidence
connus, en fuite; 9°
Titeu de la Croix, ancien secrétaire de commissaire de police, sans
domicile connu, en fuite ; 10°
Émile-Victor Pasquier, trente-sept ans, sous-directeur comptable à
la Fonderie de Villers-Cotterêts, libre; 11°
Aimé-Joseph-Adrien Guillon, trente-six ans, ancien notaire à Paris,
libre ; 12°
Jean-Anatole-Henri Bugeaud, de Redon, soixante et un ans, ancien chef
de bataillon à Marseille, libre. Les débats sont présidés par le président de
la 8e chambre, M. Bagnéris. M. le substitut Falcimaigne,
qui a rédigé le réquisitoire définitif, soutient la prévention. » Fin du
compte rendu du procès par « L’Impartial » de
Chaux-de-Fonds ÉPILOGUE Le 27 novembre
1883, Charles-Bonaventure du Breil, marquis de Rays est jugé sous
l’inculpation d’escroquerie, devant la huitième chambre du
Tribunal correctionnel de Paris. Malgré une défense très argumentée
de son avocat, maître Las Cases, le marquis de Quimerc’h est
condamné le deux janvier 1884 à quatre années de prison ferme (il a
déjà effectué un an et demi de prison préventive), à 3000 francs
d’amende et à la vente de ses biens pour rembourser (dédommager au
moins) ses débiteurs. Peine qui sera confirmée en appel en 1884 par
la Cour d’Appel de Paris. Chez les autres
prévenus, Sumien est condamné à deux ans de prison (peine
réduite à 6 mois en appel) et
3000 francs d’amende; Roubeau est acquitté ; Auxcousteaux
(acquitté en appel) et de Puyd sont condamnés à 6 mois de prison et
3000 francs d’amende ; Le
Prévost est acquitté ; Chambaud est par défaut condamné à
cinq ans de prison et 3000 francs d’amende ; Pasquier est
condamné à huit mois de prison et 3000 francs d’amende ;
Guillon est acquitté. Rentré chez lui
à Bannalec à sa sortie de prison, le marquis essaiera de gagner un
peu d’argent en commercialisant une poudre aux pouvoirs merveilleux
qui se révèlera être du granite finement broyé. L’escroquerie
s’arrêtera rapidement. Il se retire au
manoir de Coataven en Melgven où il décède le 29 juillet 1893. Sa tombe, oubliée,
est toujours visible au cimetière de Bannalec, où il repose en
compagnie de sa fille Émelie Marie.
Aucune allusion
à Port-Breton ni à La Nouvelle France … On notera aussi
que l’orthographe du nom
du marquis varie, et les deux formes DUBREIL et du BREIL figurent sur
la tombe. L’acte de décès de la fille du marquis indique
les prénoms de Émilie (et non Émelie)-Marie-Anne-Désirée
« POST - ÉPILOGUE » Alphonse Daudet
n’était pas très apprécié par les Tarasconnais
pour les avoir un peu ridiculisés dans « Les aventures
de Tartarin de Tarascon ». Il
prétend même, dans son adresse à Léon Allard qui ouvre le roman,
qu’un commis voyageur, « ayant par une homonymie fâcheuse
ou simple fumisterie signé « Alphonse Daudet » sur le
registre de l’hôtel, s’était vu brutalement assailli à
la porte d’un café et menacé d’un plongeon dans le Rhône ». Pourtant, prétend-il,
contraint de s’y rendre pour rencontrer son ami Mistral, il est
surpris du calme qui règne à Tarascon. En ville, les deux amis ne
« voient » que magasins fermés et rues désertes, la
petite cité semble « abandonnée ». Mistral interroge maître
Picard, un personnage du roman, commissaire de surveillance de la gare : « Eh !
bé, maître Picard … Et les Tarasconnais ? Où sont-ils ?
Qu’en avez-vous fait ? - Comment ?...
Vous ne savez pas ? D’où sortez vous donc ? Vous ne lisez
donc rien ? Ils lui ont pourtant fait assez de
réclame à leur île de Port-Tarascon
... Eh ! oui,
mon bon … Partis, les Tarasconnais
… Partis
coloniser, l’illustre Tartarin en tête … Et tout emporté avec
eux, déménagé jusqu’à la Tarasque ! » Alphonse Daudet,
à la fin de son introduction cite Pascal qui a dit : « Il
faut de l’agréable et du réel ; mais il faut que cet agréable
lui-même soit pris du vrai. » Doctrine qu’il
va essayer de faire sienne dans cette histoire de Port-Tarascon,
puisque, nous prévient-il, « mon récit est pris du vrai, fait
avec des lettres d’émigrants, le « mémorial » du jeune
secrétaire de Tartarin, des dépositions empruntées à la Gazette
des Tribunaux ; et quand vous rencontrerez, çà ou là,
quelque tarasconnade par trop extravagante, que le crique me
croque si elle est de mon invention ! » Et en note
de bas de page, il conseille au lecteur de lire dans les journaux de
l’époque (douze ans auparavant) « le procès de la
Nouvelle-France et de la colonie de Port Breton ». Notice biographique succincte de C.-B. du
Breil, marquis de Rays Naissance
en 1832 à Lorient où ses parents résident une partie de l’année
dans une maison familiale, rue des Fontaines. Ils possèdent également
le domaine de Quimerc’h à
Bannalec, ancienne propriété de la famille de Tinténiac, rachetée
en 1807 par le grand-père paternel de C.-B. du Breil (au fils de
l’ancien maire de Lorient, Esnoult des Châtelets). Les premières
années se passent entre Lorient, Bannalec et le manoir de Kermadéoua
en Kernevel (Rosporden). En
1848 il entre au collège Saint-Vincent de Rennes, mais en 1851 il
part pour l’Amérique d’où il reviendra vers 1857. En 1859 il est
à La Réunion puis on le retrouve au Sénégal où il envisage de
produire de l’huile d’arachide. En 1863, après un court séjour
à Bannalec, il part pour l’Indochine. En 1865 il est dans la
Cordillère des Andes. Mariage à Orly en 1869. En 1874, il est
premier adjoint à la municipalité de Bannalec, et le 27 avril de la
même année, il est nommé Consul de Bolivie. 1877 : C.-B. du
Breil publie la première petite annonce pour la « Colonie libre
de Port-Breton ». En 1882, il est arrêté à Madrid. Libéré
en 1886, il doit vendre le château de Bannalec en 1888. Il meurt le
28 juillet 1893 au manoir de Coataven.
BIBLIOGRAPHIE Les deux premiers ouvrages cités proposent de très riches bibliographies
auxquelles on pourra se référer. Daniel Raphalen, L’Odyssée de Port-Breton, Le rêve océanien du Marquis de Rays,
Collection Bretons à travers le monde, Éditons Les Portes du Large,
Rennes, 2006 (1ère édition en 1986) Daniel Floch, Port-Breton, la colonie tragique, Editions Ouest-France, 1987 Daniel Raphalen, Christiane Sancéau, Louis
Donal, Histoire du château de
Quimerc’h, par le Comité d’Histoire locale de Bannalec, 1974,
pp 21-24 Ouvrages téléchargés
ou consultés sur internet (gallica.fr et archives.org) et d’où
sont extraites les illustrations du texte : P. de Valamont, La vérité sur la colonie de Port-Breton et sur le Marquis de Rays,
Extrait de la sténographie du jugement du Marquis de Rays et du
journal La Nouvelle France,
Imprimerie Lafare Frères, Nîmes, 1889 George Brown, Pioneer-Missionary and explorer, An Autobiography, Hodder and Stoughton, London, 1908, pp 353-370 - (Récit
du sauvetage des colons du marquis de Rays, entre le 31 mars 1880 et
le 7 avril 1881 - Illustrations légendées en anglais) Le Baron Marc de Villiers du Terrage, Conquistadors
et roitelets, Rois sans couronne, du roi des Canaries à l’empereur
du Sahara, Perrin et Cie, Paris, 1906, pp 373-395 Vicomte du Breil de Pontbriand, Vertu
de nos pères, Champion Éditeur, 1913 P. de Groote, Nouvelle colonie libre de Port-Breton (Océanie), Œuvre de Colonisation
agricole, chrétienne et libre, de Monsieur Charles du Breil, marquis
de Rays, Société générale de librairie catholique, Paris, 1880 A. Baudouin, L’aventure du Port-Breton et la Colonie libre dite Nouvelle France,
Souvenirs personnels et documents (Médecin de la quatrième expédition),
Maurice Dreyfous Editeur, Paris, 1882 Paul
du Breil de Pontbriand, Histoire
généalogique de la maison du Breil, Le Roy, imprimeur, Rennes,
1889, et le Supplément aux
additions et corrections, Simon, imprimeur, Rennes, 1898 Journaux L’Impartial,
13 et 14 juin 1883, Résumé des nouvelles et feuilles
d’annonces, paraissant à Chauds-de-Fonds tous les jours, sauf le
lundi Tous
les numéros du journal « La Nouvelle France », du 15
juillet 1879 au 15 octobre 1885 sont accessibles et téléchargeables
au format pdf
sur gallica.fr. Sans
oublier la version papier de Alphonse Daudet, Port-Tarascon, Dernières aventures de l’illustre Tartarin,
Select-Collection, Ernest Flammarion, Paris, sd Merci aussi à Marcel Jambou qui nous a très chaleureusement accueillis et guidés à Bannalec, et a permis à beaucoup d’entre nous de faire connaissance avec le Marquis de Rays …
(Photo SAHPL)
[1]
RAPHALEN, Daniel, L’odyssée de Port-Breton, Le rêve océanien
du marquis de Rays, Les Portes du large, Rennes – 1986, réédition
de 2006 [2]
Charles-Bonaventure Marie du Breil de Rays est né à Lorient le 2
janvier 1832 à Lorient, 18, rue des Fontaines, fils de Charles
Gabriel du Breil, comte de Rays et de Marie-Désirée Prévost son
épouse. Sont notamment témoins, Bonaventure-Marie Ange,
Chevalier de Tinténiac, cousin issu de germain du père et Dame
Denise Dampherney, épouse de Jean-Louis Prévost, « aïeule
maternelle de l’enfant ». [3]
DE GROOTE, Pierre, Dr en médecine, Nouvelle France, Colonie libre
de Port-Breton, Société générale de librairie catholique,
Paris, 1880 [4]
BROWN, George, A pioneer-missionary and explorer, an
autobiograpgy, Hodder and Stoughton, London, 1908, p. 353- 366 [5]
En français dans le texte [6]
Les illustrations ont été ajoutées [7]
Rédacteur du journal La
Nouvelle France
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