Bulletin n°31 - 2002-2003, p.69 |
QUIMPER AU MOYEN AGE :
LES VESTIGES DE LA PLACE LAENNEC
Jean-Paul LE BIHAN,
Archéologue de la Ville de Quimper,
Directeur du Centre de recherche archéologique du Finistère
INTRODUCTION | |||||
Au cœur de Quimper, les fouilles de diagnostic, puis de sauvetage, conduites au pied de la cathédrale, place Laennec furent les plus importantes et les plus spectaculaires opérations archéologiques concernant l’histoire médiévale de cette ville(fig.1). Liées aux travaux de réaménagement de cet espace par la municipalité de Quimper, elles furent l’occasion de mettre au jour des vestiges sur plus de 1000 m² d’une zone qui, par grande chance, n’avaient presque pas été bouleversés depuis la fin du XVe siècle. Confortés d’autres fouilles trop rapides (le long du chœur de la cathédrale gothique), par de simples coups d’œil jetés à la sauvette (cour du Musée Breton, aqueduc de la place Saint-Corentin, fondations des halles centrales…) et par les informations issues des archives, les résultats des fouilles de la place Laennec se révélèrent extrêmement fructueux pour la compréhension de la naissance et du développement du cœur urbain de la ville. La chance ayant ainsi souri aux archéologues, il est possible, pour la première fois, d’ébaucher des cartes de paysages urbains successifs et bien datés, tout en évitant le piège des anachronismes. En conséquence, il sera fait foin d’un certain nombre de croyances ou légendes vivaces tandis que se découvrira une évolution jusqu’alors inconnue de l’organisation du cœur ancien de la ville médiévale.
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Fig.1 : Vue d’ensemble des fouilles de la place Laennec |
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LES PREMIERS VESTIGES : AUTOUR DE L’AN MIL | |||||
La période comprise entre la disparition de la cité antique, vers 300 après J.-C., et la naissance d’un noyau urbain médiéval aux IXe - Xe siècles demeure une époque profondément obscure de l’histoire de Quimper. L’abandon de la bourgade gallo-romaine installée dans l’actuel quartier de Locmaria, sur les basses pentes du Mont-Frugy, sur la rive gauche de l’Odet, au profit de la cité épiscopale dans la zone de confluence Frout - Odet, à 800 m en amont sur la rive droite, a suscité et permis bien des hypothèses. L’angoisse provoquée par l’insupportable vide historique et, peut-être, par la crainte inconsciente de la non-existence, conduisirent les historiens à meubler cette période. L’artifice le plus rassurant et le plus efficace consista à prolonger l’histoire de la ville antique en imaginant, aux IVe et Ve siècles, son déplacement vers l’actuelle place Laennec et sous la cathédrale. Il suffisait, par ailleurs, d’anticiper la naissance de la cité médiévale et de dater du VIe siècle la belle histoire de l’évêque Corentin et du roi Gradlon. Cela assurait la pérennité historique et comblait le vide redouté. Rien de tout cela ne fut jamais vérifié. En fait, les nombreuses fouilles récentes conduites dans tous les secteurs de la ville intra-muros révèlent l’absence totale de construction romaine, des débuts ou de la fin de l’Empire tandis que les premiers signes d’urbanisation n’apparaissent qu’à la fin du Xe siècle. Ceci se déroule au confluent de l’Odet et du Frout, confluent qui donnera son nom à Kemper-Corentin. Ce nom apparaît au XIe siècle mais il peut être plus ancien. L’imposant soubassement d’un édifice découvert en 1993 sous le mur nord du chœur de la cathédrale gothique pourrait être celui de la première cathédrale, celle qui précéda la cathédrale romane dont la construction n’était pas encore achevée au début du XIIe siècle. Place Laennec, des pièces de bois, analysées par dendrochronologie par Vincent Bernard, permettent d’identifier les éléments d’urbanisme en fonction vers l’an Mil au nord de la cathédrale gothique. Elles appartiennent à des tombes en coffre éparpillées jusqu’au pied de l’Hôtel de Ville. S’y ajoutent des lambeaux d’esplanade à robuste sol de graviers. Un tambour de colonne en pierre, réemployé dans la voirie mise en place entre 1050 et 1100, provient de la destruction d’un bâtiment de belle facture, sans doute en usage autour de cet an Mil. D’autres tombes, à coffre de pierres, laissent entendre que l’axe de la future rue Obscure était peut-être déjà utilisé à cette époque. S’il n’est pas encore judicieux de parler de ville durant cette période. L’archéologie confirme toutefois que, dès la fin du Xe siècle, un noyau, centré autour d’une petite cathédrale et incluant un cimetière, fit fonction de point d’ancrage de la ville (fig.2) qui allait vraiment naître durant la seconde moitié du XIe siècle. Ce noyau se situe dans le confluent de deux rivières modestes dont la puissance s’accroît singulièrement, mais sans mauvaises surprises, avec la marée, surtout lors de ses très forts coefficients. En effet, toutes les constructions se situent nettement au dessus des niveaux régulièrement inondés par l’eau saumâtre.
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UN PREMIER PLAN D’URBANISME MIS EN PLACE A LA FIN XIe
SIECLE
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Durant le dernier quart du XIe siècle, un vaste cimetière est mis en place autour d’une nouvelle cathédrale romane en cours de construction à l’emplacement de la nef de la future cathédrale gothique (fig.3). Pour cela, on recouvre tous les anciens aménagements de la place Laennec d’une épaisse couche de sable et de graviers, ceci sur une épaisseur de 0,30 à 0,40 m. Ce sédiment vierge servira, deux siècles durant, à déposer et à accumuler les défunts (fig.4). Là encore, toutes les datations de cercueils, ou coffres en bois ou pierres sont concordantes. Les fouilles de la place Laennec, les observations faites devant le parvis de la cathédrale et celles, beaucoup plus sommaires, de coffres de pierres détruits dans la cour du Musée Breton révèlent l’extension de ce cimetière en fonction jusqu’à la fin du XIIIe siècle : près de 4000m²
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Fig.4 : Sondage dans le cimetière des XIe - XIIIe siècles : accumulation de tombes de types variés |
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Fig.5 : Allée dallée à coffrage de planches et piquets, ceinturant le cimetière
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Un réseau de voies est également réalisé. Il inclut des allées empierrées ou dallées, bordées de pierres ou de planches verticales placées de chant et contenues par des piquets (fig.5). Deux axes, rayonnants par rapport à la cathédrale romane en construction, traversent le cimetière en direction du nord et du nord-ouest. L’un prolonge le tracé de la rue Obscure dont il date l’origine, l’autre rejoint un angle de l’actuelle rue Verdelet. Une troisième allée ceinture le cimetière par le nord et prend, vers l’ouest, la direction de l’église du Guéodet dont la date de construction n’est pas très éloignée de celle de l’église romane. Une nouvelle fois, la dendrochronologie s’ajoute à la datation par les poteries pour déterminer les dates de construction et de réfection du réseau. |
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A ces voies, s’ajoutent la rue Kéréon qui prolonge, vers l’ouest, l’axe de la cathédrale et, très vraisemblablement, une autre rue orientée vers le nord-est, en direction du dernier coude du Frout avant sa jonction avec l’Odet, hors des eaux de la marée haute. Ce tracé sera repris par la rue de l’Équerre à la fin du Moyen Âge. Il est remarquable que tous ces axes se rejoignent, avec une précision extrême, en un seul et même point. Force est de constater que l’allée nord-sud évoquée ci-dessus conduit, vers le sud, au pont Sainte-Catherine dont l’ancienneté est attestée par les textes. Il s’agit d’un ensemble d’autant plus intéressant qu’il peut s’accorder parfaitement avec la position de la cathédrale romane en construction à la même époque. Cette église, détruite seulement à la fin de la première moitié du XVe siècle, se situait sous la nef de l’édifice gothique. Il reste à localiser le baptistère en usage de l’époque romane au milieu du XVe siècle. Il n’est pas impossible que la base de mur curviligne mise au jour en 1993 près de la croisée du transept, au nord de l’édifice gothique, appartienne à ce monument. Enfin, il est remarquable d’observer l’homothétie des tracés de l’allée de ceinture du cimetière et de l’ensemble rue Verdelet - rue du Salé. En fait, il semble bien que ces rues définissent, avec la rue Saint-François, l’ancienne rue Dorée et les berges de l’Odet et du Frout, les limites de l’espace urbain mis en place à la fin du XIe siècle. Le plan de Quimper actuel paraît bien avoir ainsi fossilisé un tracé qui pourrait avoir supporté la première enceinte de Quimper enfermant un espace d’environ 4,5 hectares. Il n’y aurait rien d’étonnant à ce que la ville ait été ainsi entourée de fortifications. Au coeur de cette enceinte, l’allée de ceinture du cimetière aurait, en quelque sorte, sacralisé un espace occupé par une cathédrale et un baptistère. Le lieu précis de résidence des pouvoirs civils et religieux demeure inconnu mais devait certainement trouver place ici. Contenus entre la muraille et l’allée de ceinture du cimetière du Tour du Chastel, les habitants purent développer leurs activités sur un espace de 2,5 hectares. Hormis l’existence de leur église paroissiale du Guéodet et les principaux axes rayonnants, nous n’avons nulle trace de cet urbanisme ancien. De toute manière, cet intra-muros initial se révèlera rapidement trop étroit et, dès le XIIIe siècle, la structure mise en place à la fin du XIe explosera. Un plan aussi remarquable et une réorganisation aussi spectaculaire constituent une nouveauté pour la connaissance de l’histoire de Quimper médiéval. Il convient de tenter d’expliquer une telle transformation. Il est assuré qu’une décision forte a justifié son importance et sa brutalité. Cette décision semble relever davantage de l’initiative politique que de l’évolution progressive. Que l’accession, en 1066, du comte Hoel au titre de duc de Bretagne corresponde exactement avec la fulgurante mutation de Quimper ne relève sans doute pas de la coïncidence, d’autant que la capacité de cette famille à faire des dons importants à l’église a été soulignée par les historiens.
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DES
SÉPULTURES EXCEPTIONNELLES
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Les vestiges mis au jour dans le cimetière utilisé de la fin du XIe à la fin du XIIIe siècle sont exceptionnels. En dépit d’un programme de fouilles limité aux niveaux superficiels, des observations précises purent être réalisées à propos d’un certain nombre de tombes. Ainsi, le sol de ce cimetière fut découvert sur une superficie de 120 m² devant le parvis de la cathédrale gothique, à un niveau inférieur de près de 1 m à celui de cet édifice (fig.6). Constitué de graviers et de petits galets, il incluait les dalles des sépultures en coffres de pierres alignées en files régulières et serrées, orientées vers le porche de la cathédrale romane détruite au XVe siècle. Des tombes en forme de barque côtoyaient des sépultures à loge céphalique marquée. Aucune ne fut fouillée mais cet ensemble remarquable livre une image saisissante d’une partie du cimetière au moment de son abandon, aux environs de 1300. Les observations générales faites à propos de ce type de sépultures concordent avec les données de la dendrochronologie à propos des tombes en bois de Quimper. |
Fig.6 : Cimetière devant le parvis de la cathédrale romane ; alignements de tombes en coffres de pierre |
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Au nord-est de la place, une tranchée-abri, creusée durant la Seconde Guerre mondiale par les soldats allemands, fut vidée. Ses flancs, parfaitement conservés, mirent en évidence plusieurs dizaines de sépultures à coffre ou cercueil de bois dont l’excellent état de conservation révéla l’accumulation, par véritables couches, des tombes au cours des deux siècles d’utilisation du cimetière. Un sondage exécuté au sud-ouest de la fouille livra d’autres échantillons des différents types de sépultures accumulées. Le mort pouvait être déposé en pleine terre dans son linceul, la tête et le pied de la tombe étant simplement marqués par une pierre posée de chant. Il pouvait reposer entre une ou plusieurs planches, assemblées ou non. Dans d’autres cas, seule une couverture en bois avait été assurée, souvent avec des planches récupérées sur des meubles anciens. Des milliers de sépultures de ce type, souvent très bien conservées, demeurent aujourd’hui enfouies sous le sol de la place Laennec. Des linceuls, des vêtements, plus ou moins complets, habillent encore certains défunts. Datés de la fin du XIIIe siècle par dendrochronologie et chronologie relative, deux cercueils d’enfants constituent les éléments les plus spectaculaires de la fouille de la place Laennec. Leur état de conservation était exceptionnel. Les études de xylologie réalisées par Anne Dietrich montrent que les cercueils des tombes furent construits en bâtière et montés après que les corps des enfants qu’ils contenaient aient été déposés sur la planche basse. Assemblées, les pièces de bois étaient reliées et fixées soit par des chevilles de bois (fig.7), soit par des liens végétaux (fig.8). Dans les deux cas le défunt était enveloppé dans un linceul de cuir délicatement replié (fig.9). En effet, de nombreux fragments de peaux animales demeuraient en place. La tête du jeune enfant de la tombe T.69 reposait sur un coussinet confectionné avec des herbes sèches. L’analyse des deux cercueils et de ses occupants permit de reconstituer, avec une précision parfois émouvante, les gestes simples qui accompagnèrent la mise en bière des enfants. Anne Dietrich identifia les bois utilisés pour la fabrication des cercueils : le hêtre et le chêne. Elle proposa également, avec précision, la nature et la chronologie des gestes de fabrication des cercueils, de la mise en bière des jeunes défunts et du montage des coffres autour de leurs corps emmaillotés.
L’enfant le plus âgé (environ 20 mois, dans le cercueil T.69 contre environ 12 mois pour celui du cercueil T.52), retint davantage l’attention de l’équipe d’anthropologues chargés de leur étude (Véronique Gallien, Yann Langlois et le Professeur François Guillon). Si le sexe féminin de cet enfant en assez bonne santé (hormis une carence en fer) ne put être confirmé à 100%, l’état de conservation encore souple, permit de déterminer la cause de sa mort. Un choc violent sur la partie latérale gauche de la tête occasionna une fracture de l’os pariétal et une hémorragie cérébrale. L’événement n’éclaire en rien l’histoire de Quimper. Il faut tout de même souligner que la maîtrise d’une telle découverte, totalement imprévue, a exigé et profité de la mise en œuvre d’une véritable chaîne opératoire. Exécutée en 72 heures, elle incluait la fouille et le dépôt du cercueil, son conditionnement et son transfert au laboratoire du service départemental d’archéologie du Val d’Oise, l’ouverture de la tombe, le démontage du squelette et des éléments de cuir, puis la découverte et le conditionnement satisfaisant du cerveau. Il arrive que les questions de méthode et de procédure constituent un apport aussi intéressant à la science que les conclusions historiques elles-mêmes. Enfin, la distribution des tombes montre clairement qu’il n’y avait pas de secteur du cimetière réservé aux enfants. Ces derniers se mêlaient aux adultes. L’hypothèse de regroupements familiaux ne put être vérifiée. En revanche, la localisation des coffres en pierres, occupant environ deux fois plus de place que les inhumations en linceul ou cercueil, peut traduire l’existence d’une distribution des tombes selon des critères d’appartenance sociale. En effet, dans une nécropole où la place était extrêmement limitée, ces coffres se situaient en des lieux remarquables : soit au plus près de la cathédrale, soit le long des allées y conduisant.
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LES EVOLUTIONS A PARTIR DU XIIIe SIECLE ET LA FIN DU MOYEN ÂGE Bien que les observations archéologiques aient été limitées, il apparaît que, dès le début du XIIIe siècle, un rétrécissement de l’espace des inhumations permit l’installation d’activités profanes au nord-ouest et à l’ouest de la place Laennec. De vastes fosses livrent de grandes quantités d’ossements d’animaux de boucherie consommés puis rejetés (bœufs, moutons, porcs), des déchets alimentaires végétaux (cerises, noisettes), des matériaux de construction ou encore d’abondants excréments de cheval. Elles contiennent aussi de nombreux déchets de découpe d’objets ou vêtements en cuir, ou encore des chaussures. Plus largement, tous les indices concordent pour dater l’abandon du cimetière autour des années 1300 : date et mode d’assemblage des planches des cercueils les plus récents, usage du coffre en pierres aux dernières phases d’utilisation de la nécropole, absence de tout clou de cercueil, vestige si abondant dans tous les cimetières des XIVe et XVe siècles, mobilier archéologique des sols de recouvrement (poteries, chaussures), etc. En fait, les sols empierrés des esplanades qui recouvrirent et scellèrent le cimetière roman ne furent perforés par aucune nouvelle tombe. Alors que s’achevait la construction du chœur de la cathédrale gothique, et tandis que l’on allait encore user de l’édifice roman pendant un siècle et demi, se tournait une page essentielle de l’histoire du Tour du Chastel. |
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La fouille met en effet en évidence une superposition de sols constitués de graviers ou de petites pierres très denses (fig.10). Le rythme des réfections est de l’ordre du demi-siècle, fussent-elles partielles ou complètes. Le premier état de la place (début du XIVe siècle) conserve des traces de circulation de charrois. Aux minces sédiments interstitiels découverts entre les derniers lits de graviers se mêlent des résidus de travail du fer. Il pouvait s’agir d’éléments de mâchefer utilisés pour assainir le sol ou, peut-être, au cours de la seconde partie du XVe siècle, des restes d’ateliers de forge ayant accompagné la construction de la nef de la cathédrale gothique. Les trous de poteaux mis au jour au centre de la place correspondaient-ils aux fondations d’un tel atelier ou à celles d’un édicule à fonction religieuse, un oratoire ou un premier calvaire par exemple. Il semble que ce soit au début du siècle que fut installé la canalisation collectant les eaux suintant en permanence du flanc méridional du plateau de Kerfeunteun.
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Fig 10: Sols de graviers et galets, allée empierrée et calvaire mis en place au cours des XIVe et XVe siècles |
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Fig 11:Le pilori (début XVe siècle)vue au moment de son dégagement |
Les axes des allées installées au XIe siècle furent préservés. Des réparations des planches de coffrage, des refontes complètes des chaussées sont clairement mises au jour. Il est évident que l’on ne circule qu’à pied sur ces voies qui mènent à la cathédrale en traversant un espace dont on exclut encore les activités commerciales. En revanche, un calvaire est érigé au centre de l’esplanade au cours de la seconde moitié du XVe siècle. Il semble qu’il soit abattu vers 1750. Le pilori, élevé un peu plus tôt, peut-être au début du XVe siècle (fig.11), aura une vie un peu plus longue. C’est, vraisemblablement, sur cet édicule circulaire, qui conserve encore les fondations de plusieurs poteaux centraux successifs, que sera exécutée Marion du Faouët, pendue en 1759 comme bandit de grand chemin. En fait, ce n’est qu’à partir de l’extrême fin du XVe et du début du XVIe siècle que l’ensemble de la place Laennec fut livré aux foires et marchés. |
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Annonçant l’abandon progressif d’un plan rayonnant du cœur de la ville, une partie de l’allée périphérique et celle qui traversait la place dans sa partie orientale disparurent dès la fin du XIVe siècle. Seule perdura la plus occidentale, située dans le prolongement de la Rue Obscure utilisée jusqu’en 1835. Le souvenir du cimetière roman se conserva toutefois puisque, au XVIe siècle encore, une procession empruntait le tracé de l’allée de ceinture et célébrait les défunts lors de la Toussaint. Avant d’être livrée au négoce sur l’ensemble de l’espace septentrional de la cathédrale, une partie du Tour du Chastel avait été réservée, aux XIVe et XVe siècle, à la manifestation de l’œuvre de Dieu et à celle de la justice. Calvaire et pilori, symbolisaient les pouvoirs respectifs, mais étroitement associés, du religieux et du politique, et encore l’image de la rédemption et du châtiment. La condition humaine était là, exposée, en un espace réservé, marqué au sol, excluant les activités profanes et le négoce. Au contraire des niveaux plus tardifs, les sols des XIVe et début du XVe siècles étaient maintenus dans un état de grande propreté, avant que n’apparaissent arêtes de poissons, coquillages, ossements animaux et autres détritus de marché. On ne peut tenir dans la même catégorie le chantier de construction de la nef de la cathédrale au XVe siècle. L’événement le plus spectaculaire de l’histoire urbaine de Quimper est alors la reprise du chantier de la cathédrale, c’est-à-dire la destruction tardive (vers 1440) de la cathédrale romane, puis la construction, sur les fondations solides et robustes de l’ancienne église, de la nef puis du transept de l’édifice gothique. Ce dernier n’est achevé qu’en 1485. C’est dire tout nettement que la cathédrale actuelle de Quimper ne fut pas, dans son fonctionnement, un édifice médiéval. Elle n’appartient pas au paysage urbain du Moyen Age. Bien qu’il demeure inconnu dans ses détails, le plan de Quimper intra-muros de la fin du XVe siècle (fig.12) tend certainement à ressembler à celui, excellent, que dessine l’ingénieur André en 1764. Plus que discuter tel ou tel point de détail dans le cadre de cet article, retenons qu’il constitue un jalon essentiel de la longue histoire qui conduit du modeste noyau urbain développé autour d’une petite cathédrale primitive proche de l’Odet et du Frout, à la ville actuelle dont le plan quadrangulaire dissimule la trame rayonnante initiale, mise en place au XIe siècle. En fait, le gigantisme relatif de la cathédrale gothique devait conduire à l’abandon progressif de cette trame fondée sur la cathédrale romane et adaptée à ses dimensions beaucoup plus modestes. En 1764, l’axe rayonnant de la rue Obscure demeure tandis que l’ingénieur André propose déjà de rectifier son tracé. Il annonce celui de la rue Elie Fréron qui, perpendiculaire à la rue Kéréon, débouche sur le parvis de la cathédrale gothique. Avec 92 m de longueur, celle-ci impose un plan orthogonal. Tels sont les principaux résultats des fouilles archéologiques médiévales conduites aux abords immédiats de la cathédrale de Quimper. Confrontés, sans obstacles particuliers, aux sources d’archives, les données de fouille permettent de cerner, avec une précision nettement accrue, les rythmes et les grands traits de l’histoire urbaine du cœur de la ville. Encore imprécis, le dossier de la date de fondation médiévale de la ville de Quimper s’est considérablement assaini au cours de ces dernières années. Le rythme de construction et les grands traits de l’organisation urbaine se dessinent. Il n’y eut pas de ville romaine au confluent de l’Odet et du Frout. Un schéma cohérent, sans doute issu d’une volonté politique, définit, à la fin du XIe siècle, un urbanisme rayonnant. Centré sur la cathédrale romane, ce schéma fut confronté à l’usure du temps et à la construction d’un édifice d’une toute autre dimension : la vaste cathédrale gothique. Cela aboutit progressivement, entre le XVe siècle et le début du XIXe, au plan quadrangulaire que nous connaissons aujourd’hui ; un plan qui devait induire en erreur et entretenir le mythe d’une cité antique à structure orthogonale.
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Fig.1 : Vue d’ensemble des fouilles de la place Laennec Fig.2 : Proposition de restitution du cœur de Quimper vers 1050 (carte) Fig.3 : Proposition de restitution du plan de Quimper à la fin du XIe et au XIIe siècle. Le plan de la cathédrale est totalement hypothétique (carte) Fig.4 : Sondage dans le cimetière des XIe - XIIIe siècles : accumulation de tombes de types variés Fig.5 : Allée dallée à coffrage de planches et piquets, ceinturant le cimetière Fig.6 : Cimetière devant le parvis de la cathédrale romane ; alignements de tombes en coffres de pierre Fig.7 : Le cercueil de la tombe T.52 : les chevilles de bois sont encore en place Fig.8 : Le cercueil de la tombe T.69 : les liens végétaux d’assemblage des planches sont parfaitement conservés Fig.9 : Cercueil de la tombe T.69 et défunt sous linceul de cuir Fig.10 : Sols de graviers et galets, allée empierrée et calvaire mis en place au cours des XIVe et XVe siècles Fig.11 : Le pilori (début XVe siècle), vue au moment de son dégagement Fig.12 : Proposition de restitution du plan de Quimper de la fin du XVe siècle (carte)
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Fig 2 - Proposition de plan vers 1050 ... |
Fig 3 - Proposition de plan fin XIe et XIIe |
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Fig 12 Proposition de restitution du plan de Quimper à la fin du XVe
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